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teau était bien grand, que sa mère, parfaitement sûre d’elle et aimant le jeu, n’avait pas l’habitude de la chercher quand elle courait avec ses jeunes compagnes de salle en salle, qu’enfin d’un instant à l’autre l’arrivée des autres officiers allait la délivrer ; mais quand elle songeait au petit nombre des défenseurs du Stollborg, elle s’inquiétait pour son fiancé et trouvait le secours bien lent à venir.

Christian s’inquiétait pour Marguerite, sans trop songer désormais à sa propre destinée. Le major s’inquiétait pour Christian et pour lui-même ; il ne cessait de répéter tout bas au lieutenant qu’il trouvait l’affaire mal engagée pour être portée devant un tribunal. Le lieutenant s’inquiétait de voir le major inquiet. Quant à M. Goefle, il s’alarmait pour le vieux Stenson, et cela le conduisait à retomber dans ses commentaires intérieurs sur la naissance et la destinée de Christian.

La situation n’était en somme rassurante pour personne, lorsque enfin on entendit sonner et frapper à la porte du préau. Ce pouvait être l’officier avec les soldats attendus ; mais ce pouvait être aussi une nouvelle bande, dépêchée par Johan pour assister ou délivrer la première. Le major et le lieutenant armèrent leurs pistolets et s’élancèrent dehors, en ordonnant à Christian, avec le droit et l’autorité dont ils étaient revêtus en cette circonstance, de rester derrière eux, et de n’attaquer qu’à leur commandement. Puis Larrson, ayant ouvert lui-même résolument la porte du préau sans faire de questions, et au risque de tomber sous les coups de ceux dont il voulait s’emparer, reconnut avec joie le sous-lieutenant son ami et les quatre soldats les plus voisins de son cantonnement. Dès lors pour lui tout était sauvé. Il était bien impossible que le baron, ne recevant pas de nouvelles de l’événement, dont il devait attendre l’issue avec impatience, n’envoyât pas une partie de son mauvais monde à la découverte.

Le sous-lieutenant fit son rapport, qui ne fut pas long. Il s’était perdu avec ses hommes ; il n’avait trouvé le Stollborg que par hasard, après avoir longtemps erré dans la brume. Il n’avait rencontré personne, ou s’il avait rencontré quelqu’un, il n’en savait absolument rien. — Cependant, ajoutait-il, le brouillard commence à s’éclaircir sur les bords du lac, et avant un quart d’heure il sera possible de faire une ronde. Le bruit des fanfares et des boîtes avait entièrement cessé du côté du château. On pourra désormais se rendre compte des moindres bruits du dehors.

— La ronde sera d’autant plus possible, répondit le major, que nous avons ici un homme du pays, un certain Péterson, qui a le sens divinatoire des paysans, et qui dès à présent saurait vous mener partout ; mais attendons encore un peu. Postez-vous autour des deux