par ordre du gouverneur du Sénégal, Duranton fut amené à Saint-Louis, où il réussit facilement à se justifier, car bientôt après il revint libre dans le Khasso. Il mourut à Médine en 1839. Ses compatriotes ont conservé de lui un souvenir sympathique et plein d’estime, et reporté sur la compagnie de Galam la responsabilité des tracasseries dont il fut l’objet. Caractère honnête autant qu’esprit clairvoyant, animé du sincère désir d’être utile à sa patrie, Duranton réclamait la liberté du commerce dans le haut du fleuve ; il appelait le drapeau français au-delà des limites que lui avait assignées jusqu’alors la timidité de la compagnie privilégiée ; il invitait les traitans à se porter sur le parcours des caravanes, et leur montrait la route qui conduisait aux mines d’or du Bambouk. Tant de hardiesse dérangeait les habitudes et menaçait le monopole de la compagnie : aussi vit-elle en lui un ennemi qu’elle poursuivit de toute son hostilité, et s’il ne succomba pas sous ses colères jalouses, les progrès appelés par Duranton et qu’il eût favorisés furent retardés de vingt ans.
La suite a prouvé combien les vues de ce voyageur étaient judicieuses. Son programme est adopté. Médine, où il avait bâti un fort, tombé depuis en ruine, est le point même choisi par M. Faidherbe pour une pareille défense[1], et, dans nos luttes prochaines contre Al-Agui, notre plus fidèle allié sera le chef actuel de Médine, Sambala, frère de Sadiaba, la femme de Duranton. Celle-ci d’ailleurs saisit toutes les occasions de témoigner aux Français combien lui est restée chère la mémoire de son époux. Une commission envoyée en 1843 par M. le comte Bouët, gouverneur du Sénégal, en exploration dans le Bambouk, reçut de cette femme le plus touchant accueil, dont M. Anne Raffenel, membre de la commission, naguère. commandant de l’île Sainte-Marie de Madagascar, et récemment enlevé à la science par une mort prématurée, s’est plu à rendre témoignage dans le récit qu’il a consacré au voyage de l’expédition. Aussitôt que Sadiaba eut appris l’arrivée d’une troupe de Français, elle accourut vers eux avec les démonstrations de la plus vive sympathie. Allumer un grand feu, faire sécher et changer leurs vêtemens, préparer un bon couscoussou à la viande, servir plusieurs calebasses remplies d’un excellent lait, ce fut l’affaire d’un moment. La pauvre femme regardait les voyageurs avec émotion, recherchant dans leurs traits quelque image de Duranton, mort depuis quatre années seulement ; elle les plaignait, elle ne pouvait comprendre qu’ils voulussent s’aventurer dans un pays qui était, disait-elle, le
- ↑ Nous avons sous les yeux une lettre inédite adressée, le 15 octobre 1831, par Duranton au gérant de la compagnie de Galam, dans laquelle sont déduits avec beaucoup de netteté tous les avantages commerciaux et militaires de Médine.