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de la France il y a près de cinq siècles, est devenue, par un tardif retour de patriotisme, l’objet de la curiosité publique. On apprend avec satisfaction que le gouvernement local y mène avec une égale vigueur les travaux de la guerre et ceux de la paix. On suit d’un œil attentif, à l’ouest comme au nord de l’Afrique, les luttes que soutient l’esprit européen contre l’esprit sémitique, réprésenté, en-deçà et au-delà de l’Atlas, par deux familles, les Arabes et les Berbères, auxquelles viennent s’ajouter des variétés nombreuses de la race noire, prédestinées elles-mêmes à subir à leur tour l’action de la race caucasique. De ces contacts multiples naissent les situations les plus délicates. Comment concilier l’indépendance ou plutôt l’anarchie d’une vingtaine de petits états avec les exigences de l’unité politique et de la régularité administrative ? Comment amener sans violence et sans faiblesse le christianisme et l’islamisme à se tolérer mutuellement, tout en rivalisant de zèle pour arracher les peuples aux ténèbres du fétichisme ?

À côté des essais d’organisation qui s’inspirent de l’initiative ou de l’impulsion officielle, les intérêts privés tentent de se relever d’une trop longue décadence. La concurrence substituée au monopole, la liberté succédant à l’esclavage, excitent l’esprit d’entreprise et multiplient les échanges. À l’horizon du Bambouk, à deux cents lieues dan3 l’intérieur de l’Afrique, brillent de nouveau, comme une amorce séduisante, des mines d’or déjà célèbres au siècle dernier. À cette époque, le commerce de la France au Sénégal, en s’aidant, il est vrai, de la traite des esclaves, atteignait 21 millions de livres tournois ; il semble permis d’espérer une renaissance de prospérité qui découlerait seulement d’un travail régulier et d’un trafic licite.

Une première fois pareille renaissance a été tentée sous les auspices du gouvernement : c’était au commencement de la restauration, vers 1820. Le domaine colonial de la France se trouvait réduit par les fautes de l’ancien régime, plus encore que par les traités de 1815, à de si humbles proportions, que le nouveau pouvoir résolut de reprendre au. Sénégal ces plans de colonisation, qui avaient toujours été, malgré bien des échecs, un des caractères du génie national et une des gloires de la France. La colonisation par la culture du sol fut tentée ; elle échoua complètement, malgré des sacrifices prolongés pendant dix ans. Enfin, toute allocation ayant été retranchée du budget de 1831, on y renonça définitivement. À vrai dire, l’expérience, n’avait condamné que l’intervention malavisée du gouvernement dans les choses agricoles et l’oubli de quelques-unes des lois fondamentales de l’économie rurale ; néanmoins la spéculation se tourna dès lors exclusivement vers le commerce, dont les droits à