Page:Revue des Deux Mondes - 1858 - tome 17.djvu/48

Cette page a été validée par deux contributeurs.

bal, mais dont il ne se rappelait pas le nom, escortées du fidèle domestique Péterson.

— Où sont-ils ? demanda Marguerite en tombant oppressée et défaillante sur un fauteuil.

— Qui donc ? De qui parlez-vous ? lui dit-il, effrayé de sa pâleur et de son émotion.

— Du major Larrson, du lieutenant et des autres militaires, répondit l’autre jeune fille, tout aussi essoufflée et non moins émue que Marguerite. Est-ce qu’ils ne sont pas arrivés ?

— Non… Ils doivent venir ici ?

— Ils sont partis du château il y a plus de deux heures.

— Et… vous craignez qu’il ne leur soit arrivé quelque accident ?

— Oui, répondit Martina Akerström, car c’était elle ; nous avons craint… Je ne sais pas ce que nous avons craint pour eux, puisqu’ils sont partis tous ensemble ; mais…

— Mais pour qui craignez-vous alors ? dit M. Goefle.

— Pour vous, monsieur Goefle, pour vous, répondit avec vivacité Marguerite. Nous avons découvert que vous couriez ici de grands dangers. Ne vous en doutiez-vous pas ? Si fait, je vois que vous êtes armés. Est-on venu ? Vous a-t-on attaqués ?

— Pas encore, répondit M. Goefle. Il est donc certain que l’on doit nous attaquer ?

— Oh ! nous n’en sommes que trop sûres !

— Comment ! on me menace aussi, moi ? reprit M. Goefle sans aucune intention malicieuse. Répondez donc, chère demoiselle : vous en êtes sûre ? Cela devient fort étrange !

— Je ne suis pas sûre de ce dernier point, dit Marguerite, dont la pâleur se dissipa tout à coup, mais dont les yeux évitèrent ceux de Christian.

— Alors, reprit M. Goefle, sans vouloir remarquer l’embarras de la jeune fille, c’est à lui, c’est bien à lui qu’on en veut ?

Et il montrait Christian, que Marguerite s’obstinait à ne pas voir et à ne pas nommer, ce qui ne l’empêcha pas de répondre : — Oui, oui, c’est bien à lui, monsieur Goefle. On veut se défaire de lui.

— Et le major avec ses amis, en sont-ils sûrs aussi ? Comment ne viennent-ils pas ?

— Ils en sont sûrs, dit Martina, et s’ils n’arrivent pas, c’est qu’ils auront fait comme nous, ils se seront perdus dans le brouillard, qui va toujours en augmentant.

— Vous vous êtes perdues dans le brouillard ? dit Christian, ému de la sollicitude généreuse de Marguerite.

— Oh ! pas bien longtemps, répondit-elle : Péterson est du pays, il s’est vite retrouvé ; mais il faut que ces messieurs aient pris une rive du lac pour l’autre.