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rait appeler les pudiques mystères de la foi. Les écrivains qui croient tenir aujourd’hui la place de M. de Maistre sont moins délicats dans les plaisirs qu’ils demandent à la polémique. Ils ont assurément beaucoup d’esprit, ils excellent dans la caricature, ils n’ont pas d’égaux dans la parade ; mais il est fâcheux pour les intérêts actuels et la dignité du catholicisme qu’ils aient cherché l’emploi de leurs talens, leur amusement et leur succès dans la défense de l’église catholique. Le reliquaire est devenu entre leurs mains une friperie de carnaval. Il n’est guère possible, affublés qu’ils sont d’amulettes et d’ornemens sacrés, de les toucher sans commettre un sacrilège. Ne riez pas du miracle de Lourdes, ils vous prouveront que vous niez le surnaturel, et vous obligeront à croire aux rêves de la première paysanne venue, à moins que vous n’aimiez mieux renoncer à croire en Dieu et en l’immortalité de l’âme. Jusqu’à quand le clergé catholique français consentira-t-il à accepter la solidarité de ces nouveaux apologistes ? Ne se lassera-t-on point de soutenir cette impossible gageure ? Ne se demander a-t-on jamais s’il y a une véritable piété à provoquer par de telles excentricités et de telles violences des excès et des violences contraires ? Car enfin la propagande de ces controversistes est d’une efficacité étrange : elle ne recrute à leur cause que des ennemis. Ses extravagances ne sont qu’une réplique donnée à des déclamations non moins insensées parmi les adversaires du catholicisme. « Haïssez le prêtre et détruisez-le ! » s’écrie à Turin M. Brofferio, ripostant à ces modernes ultramontains. Faut-il laisser continuer ce dialogue insensé entre les forcenés des deux partis ? N’y a-t-il donc pas de voix au sein du clergé français qui se puisse faire entendre au-dessus de ces furieuses clameurs, et qui vienne enfin changer le terrain de la controverse religieuse, et l’élever au-dessus du champ de combat des énergumènes ?

En assistant aux discussions auxquelles a donné lieu le miracle de Lourdes, nous nous demandions avec tristesse, s’il faut à toute force que chaque époque de l’histoire fournisse sa pâture de merveilleux aux facultés religieuses de l’homme : où l’église doit-elle aller chercher ce merveilleux, accommodé aux tendances et aux besoins du temps présent ? Est-ce dans cet entraînement honteux qui a produit de nos jours la foi aux tables tournantes et aux esprits frappeurs, ou bien dans ce magnifique courant de connaissances scientifiques par lesquelles l’homme en ce siècle est en train de s’approprier les lois de la nature, et de leur faire produire des effets si prodigieusement utiles à son bien-être matériel et à son perfectionnement moral ? Le prêtre ira-t-il faire concurrence à M. Home, ou ira-t-il prendre le vrai miracle là où l’a écrit la main divine et où le lit l’intelligence humaine, dans les mystères de la création dévoilés par la science ? Il est malheureusement hors de doute que les catholiques bruyans dont nous parlions tout à l’heure se plaisent à accommoder le merveilleux chrétien de notre époque au goût des adeptes du somnambulisme et des tables tournantes, et recherchent les fontaines miraculeuses comme les fermiers de jeux les eaux célèbres ; mais ce serait calomnier le catholicisme que de lui imputer les niaises absurdités de ces gens-là. Nous en donnerons pour preuve un discours sur les sciences positives qui vient d’être prononcé à la distribution des prix du collège d’Oullins par un moine dominicain, le révérend père Captier, prieur de ce collège.