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CHRONIQUE DE LA QUINZAINE.




14 septembre 1858.

Il y a chômage d’événemens, et ce n’est pas nous qui nous en plaindrons. Les faits sont despotes. Ils traînent après eux les esprits et courbent les volontés. La halte de la saison d’été n’est pas sans profit pour le mouvement politique, car elle rend aux esprits une certaine possession d’eux-mêmes, une sorte de liberté, un peu paresseuse si l’on veut, mais qui prépare le retour d’une activité plus forte. Ce temps de repos et de réflexion ne nous semble pas avoir nui, cette année du moins, au progrès des idées libérales. Le mot de liberté a été prononcé. Les nobles sentimens et les grandes pensées que ce mot charme et encourage se sont éveillés avec une calme confiance. On dirait même que personne ne peut plus se soustraire à cette vision libérale qui se montre à nous dans l’avenir, et vers laquelle il faut marcher. Nous n’avons pas besoin de parler de nous et de ceux qui n’ont jamais séparé la dignité de la France de la possession complète de ses libertés, de ceux qui n’ont jamais pu voir le salut d’une société dans l’abdication même momentanée de ses droits ; nous faisons surtout allusion aux organes les plus autorisés du gouvernement actuel. Un jour, c’est M. de Persigny qui, parlant de la liberté avec estime, la soumet à contre-cœur à un ajournement qui ne saurait être bien long dans sa pensée, puisqu’il n’en assigne pas le terme ; un autre jour, c’est le prince Napoléon qui s’efforce de placer, sous la féconde influence d’une pensée libérale, les nouvelles destinées de l’Algérie. Les politiques médiocres et grossiers qui résistent encore à cette puissante attraction, ces hommes qui, suivant l’énergique image de Platon, n’ont point coupé encore dans leurs âmes la chevelure de l’esclave, servent eux-mêmes malgré eux le mouvement auquel ils s’opposent en vain. Ils fondent en effet leur inintelligente obstination, ou sur des craintes indignes d’un pouvoir fort, ou sur une incapacité honteuse attribuée par eux à la France. Suivant eux, ou le gouvernement actuel ne pourrait affronter sans