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soin de prononcer le mot de liberté (vola-svoboda), comme si l’on admettait les appréhensions de M. Schedo-Ferroti[1], qui regarde la libération des paysans comme une mesure aussi périlleuse que le serait l’éclairage au gaz d’une poudrière. Suivant lui, il faut arriver à donner la liberté sans parler de liberté : triste fruit de la servitude, qui fait trembler devant un mot et condamne à des subterfuges de langage ceux-là mêmes qui veulent l’émancipation.

Une différence importante à noter entre le second rescrit et le premier, c’est qu’on y fait intervenir d’une manière plus directe la commune (mir):, elle peut racheter les enclos; la terre allouée en usufruit aux paysans devra rester pour toujours à la disposition de la commune, et il sera impossible de l’échanger, en tout ou en partie, sans s’être assuré le consentement de la commune et l’autorisation des tribunaux de districts. Pendant la durée de l’état transitoire, les paysans ne pourront quitter leurs villages sans la permission de la commune et du propriétaire. Le principe russe, qui est inconnu en Lithuanie, se manifeste encore dans les dispositions relatives aux lots de terre. Il faudra conserver à chaque famille le droit à un certain lot de terrain, sans porter atteinte à l’organisation de la commune, et en tâchant d’éviter de trop fréquens partages et échanges de ces lots. Le principe communiste, quoique atténué dans son influence, continue à dominer le droit individuel. Celui-ci commence cependant à se révéler, alors qu’on indique comme indispensables à établir : les droits du chef de chaque famille de paysans, le droit de succession relativement aux endos et aux lots de terrains alloués à chaque ménage (tiaglo), ainsi que les conditions de partage entre les membres de chaque famille.

Pour mieux saisir l’ensemble des vues du gouvernement russe, il faut étudier les divers projets et instructions qui ont complété les indications contenues dans les rescrits impériaux. Presque tous les gouvernemens de la Russie ont successivement demandé et obtenu l’autorisation de former des comités appelés à se prononcer sur la question des paysans, mais aucun nouveau principe n’a pris place dans les ordonnances qui statuent à cet égard. Il a été créé à Pétersbourg un comité central d’émancipation, où siègent le grand-duc Constantin, le prince Orlof, Jacques Rostovtsof (le principal promoteur de cette grande mesure) et beaucoup d’autres éminens personnages. Ce comité, pour imprimer une action uniforme aux travaux des comités provinciaux, a publié un programme étendu qui précise toutes les questions à résoudre.

Les travaux des comités de la noblesse, établis dans les gouver-

  1. De la Libération des paysans, p. 70.