Page:Revue des Deux Mondes - 1858 - tome 17.djvu/43

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

— Vous les avez lues ?

— Je n’ai pas eu le temps. M. Nils a rendu la besogne difficile, outre que l’écriture est d’un maître chat ; mais je vais les lire. Monsieur Goefle, le secret de ma vie est là !

— En vérité ? Oui, je m’en doutais, j’en étais sûr, Christian, qu’il s’agissait de vous ! Mais j’ai donné ma parole à Stenson, en recevant ce dépôt, de ne pas en prendre connaissance avant la mort du baron ou la sienne.

— Mais moi, monsieur Goefle, je n’ai rien promis. Le hasard a mis les papiers dans mes mains, je les ai sauvés de la destruction : ils sont à moi.

— Vraiment ? s’écria en souriant M. Goefle. Eh bien ! moi, au bout du compte, je n’avais pas achevé mon serment quand on est entré… Non, non, j’ai bien juré hier quant à un autre dépôt ; mais quant à celui-ci, je n’avais pas fini de jurer, je m’en souviens. J’allais d’ailleurs obtenir toute la confiance de Sten. J’écrivais mes questions pour ne pas avoir à élever la voix avec le pauvre sourd. Je lui parlais de vous, de mes doutes, et je sentais que nous étions espionnés. Vous avez dû trouver des fragmens de mon écriture au crayon sur des feuilles volantes ?

— Oui, il m’a semblé que ce devait être cela. Lisez donc les lettres alors.

— Ce sont des lettres ? Donnez… Mais non, il faudrait plutôt les cacher. Nous sommes entourés, surveillés, Christian. En ce moment, je suis sûr qu’on fouille et pille le cabinet de Stenson. On a emmené Ulphilas. Qui sait si on ne va pas nous attaquer ?

— Nous attaquer ? Eh bien ! au fait, c’est possible ! Puffo vient de me chercher une querelle d’Allemand. Il a levé la main sur moi, et il avait de l’or dans ses poches. J’ai été obligé de jeter ce manant à la porte.

— Vous avez eu tort. Il fallait le lier et l’enfermer ici. Il est peut-être maintenant avec les coupe-jarrets du baron. Voyons, Christian, une cachette avant tout pour ces papiers !

— Bah ! une cachette ne sert jamais de rien.

— Si fait !

— Cherchez, monsieur Goefle ; moi, j’apprête mes armes, c’est le plus sûr. Où sont-ils, ces coupe-jarrets ?

— Ah ! qui sait ? J’ai vu sortir Johan et ses acolytes avec Stenson, et j’ai fermé la porte du préau ; mais on peut venir par le lac, qui est une plaine solide en ce moment ; on est peut-être déjà venu. N’entendez-vous rien ?

— Rien. Pourquoi donc viendrait-on chez vous ? Raisonnons, monsieur Goefle, raisonnons la situation avant de nous alarmer.

— Vous ne pouvez pas raisonner, vous, Christian, vous ne savez