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leurs anciens maîtres, et que c’était à eux de prouver qu’ils étaient dignes d’être libres en poursuivant paisiblement leurs travaux et en conservant pour les propriétaires les anciens sentimens d’attachement et de confiance.

Le statut courlandais de 1817, bien que fondé sur les mêmes principes que le statut esthonien de 1816, reçut une forme plus précise et plus satisfaisante; les dispositions sont plus nettes, elles se ressentent d’un état de choses antérieur plus favorable au paysan. On maintint la division en deux périodes, l’une provisoire, l’autre définitive, et on adopta également le terme de quatorze années, remplies par un travail préparatoire qui comprenait l’organisation des communes, des autorités administratives et judiciaires, le relevé et l’estimation de l’inventaire fixe des fermes[1], le règlement définitif des rôles de prestations exigibles dans les diverses propriétés, la répartition de la population agricole en huit sections appelées successivement d’année en année à passer du servage à la liberté. Une fois libre, le fermier ne devait pas s’établir durant les trois premières années en dehors des limites de sa paroisse, ni quitter celles du district pendant les deux années suivantes. Les premiers contrats ne pouvaient dépasser le terme de trois ans, et les trois quarts de la redevance devaient être stipulés en travail (corvées). Plus tard, les conventions étaient libres. Des limitations analogues s’appliquaient au déplacement des ouvriers de ferme et des domestiques attachés au service personnel du maître. Pendant toute la durée de la période transitoire, on défendit aux propriétaires d’augmenter dans leurs terres le nombre d’hommes en état de travailler, à moins que cet accroissement de population ne pût avoir lieu sans porter préjudice à d’autres terres. C’est toujours le principe artificiel d’une répartition forcée du contingent de bras appliqués à la culture. Il fut également défendu aux paysans courlandais de sortir de la province, ou même de s’établir dans les villes, d’y prendre du service ou d’y acquérir des immeubles, tant que la population agricole du sexe masculin n’aurait pas dépassé le chiffre de 200,000 âmes. L’acquisition d’immeubles dans les campagnes leur demeura interdite en vertu du droit de propriété réservé exclusivement en dehors

  1. Le terme d’inventaire (inventaire fixe ou de fer, eisernes inventorium) s’applique ici à une certaine quantité de bétail et d’instrumens aratoires que le propriétaire met à la disposition du fermier, sans lui en céder la propriété. Cet inventaire doit être restitué à l’expiration du bail, et passe au nouveau fermier. Tous les objets qui manquent doivent être remboursés au taux de l’estimation primitive. Ces règles se rapprochent beaucoup de celles qui régissent le cheptel de fer dans notre code civil. Toutefois le mot inventaire a encore une autre signification, principalement admise dans les anciennes provinces polonaises réunies à la Russie : il s’applique au relevé des rôles des prestations dues aux seigneurs. Dans cette acception, il détermine et précise les rapports mutuels entre les propriétaires et les cultivateurs.