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sous la présidence du propriétaire foncier. Dans le tribunal de district (deuxième instance), deux délégués de la noblesse et deux délégués de la classe agricole prennent place à côté du juge. Le tribunal supérieur de la province forme la troisième et dernière instance. Le propriétaire conserve cependant la police du domaine à côté de l’autorité qu’exerce le tribunal communal; il peut infliger des peines disciplinaires dont le maximum est déterminé; il a le droit de suspendre de leurs fonctions les délégués de la commune sans leur infliger de peine corporelle. Le libre consentement des parties doit servir de point de départ au contrat de ferme; mais comme le loyer ou la rente se perçoit à peu d’exceptions près en corvées (travail personnel), les anciens rôles des prestations servent de base aux conventions. Les engagemens des ouvriers ont lieu de gré à gré, mais ils se renouvellent à des époques fixes de l’année, et la résiliation de ces contrats doit être dénoncée également à des époques déterminées. Le paysan est privé du droit de quitter la province tant que le nombre d’individus du sexe masculin appartenant à la classe agricole n’aura pas dépassé le chiffre de 140,000[1]. On a voulu ainsi assurer à l’agriculture les bras nécessaires, mais on a oublié que, surtout en matière de liberté, il importe de respecter l’ancien axiome du droit français : donner et retenir ne vaut.

Les autres provinces baltiques ne tardèrent pas à entrer dans la voie ouverte par l’Esthonie. Depuis 1796, la Courlande faisait partie de l’empire de Russie, la condition des paysans y était meilleure qu’en Livonie et en Esthonie; mais ils subissaient la loi de la servitude, qui paralysait les bras et empêchait le développement de l’intelligence. Elle avait beau être tempérée par les mœurs et régularisée par la coutume, elle n’en était pas moins la servitude, c’est-à-dire un obstacle invincible au progrès moral et matériel. Après des travaux préliminaires qu’il est inutile de rappeler, la noblesse courlandaise se prononça presqu’à l’unanimité pour l’adoption des principes du statut de l’Esthonie. Un projet fut rédigé dans ce sens, et il reçut la sanction impériale le 25 août 1817. La nouvelle loi fut solennellement promulguée à Mittau le 30 du même mois, jour de la Saint-Alexandre. L’empereur, qui se rendait au congrès d’Aix-la-Chapelle, s’arrêta à cette occasion pendant un jour dans la capitale de la Courlande. Il voulut admettre en sa présence les paysans qui avaient assisté à la proclamation de leur affranchissement dans l’église de la Trinité; l’un d’eux prit la parole pour remercier l’empereur du bienfait de la liberté qu’il leur accordait. Alexandre répondit qu’ils en étaient principalement redevables au bon vouloir de

  1. Ce chiffre n’est pas encore atteint aujourd’hui.