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Les résolutions du landlag de 1765 ne furent guère suivies d’effet; après diverses alternatives, la noblesse livonienne vota en 1797 un projet de règlement agraire en vue de modérer les charges écrasantes qui continuaient de grever le paysan. Ce travail, rédigé par le landrath Sievers, porte son nom (Sieversches Regulativ), il fut imprimé à Moscou et présenté à l’empereur Paul Ier; mais, renvoyé à l’examen du sénat, il n’avait pas encore reçu la sanction suprême, quand Alexandre Ier monta sur le trône.

À ce moment, les projets de réforme s’étendirent à l’Esthonie. Le landtag de 1802 vota une série de mesures dont voici les plus essentielles : les droits de propriété du paysan furent reconnus et garantis à l’égard de tous les biens-meubles qu’il possédait ou qu’il pourrait acquérir; il ne pouvait être dépossédé de sa ferme que moyennant une indemnité fixée en justice. La jouissance viagère et la possession héréditaire des fermes étaient garanties, sauf le cas d’incapacité ou de négligence manifeste, régulièrement constaté par le tribunal rural appelé à connaître des délits et contraventions. Le droit de vendre les serfs sans la terre qu’ils cultivaient se trouvait soumis à certaines restrictions, et ne devait s’exercer qu’avec le concours du tribunal rural. On devait enfin constituer dans chaque paroisse des autorités chargées de recueillir les plaintes des paysans et de dresser les rôles des prestations. Les idées avaient singulièrement marché, on le voit; l’empereur Alexandre Ier, dont les intentions s’accordaient avec ces tendances nouvelles, autorisa, en 1802, la publication en langue esthonienne du statut connu sous le nom de igga üks (chacun de vous, mots par lesquels commence le texte esthonien). Ce statut fut complété en 1804 par des dispositions qui précisaient mieux le pouvoir disciplinaire du seigneur et les devoirs du paysan.

De son côté, le landrath Sievers profita des circonstances pour faire aboutir les anciennes propositions du landtag de Livonie, qui furent remaniées et étendues en 1803, à la suite de débats très orageux. Un comité, présidé par le comte (depuis prince) Kotchubey, fut invité par l’empereur à revoir les décisions du landtag, et à nommer des commissions pour régulariser sur les lieux mêmes les charges imposées aux paysans, afin de rédiger un statut agraire pour la Livonie. Ce statut, sanctionné par l’empereur le 20 février 1804, établit sur des bases assez larges les rapports mutuels des propriétaires et des cultivateurs de la Livonie. Malheureusement les travaux imparfaits du cadastre occasionnèrent de nombreux embarras d’exécution et entraînèrent des frais énormes : ils n’étaient pas encore terminés en 1819, lorsque l’abolition du servage fut prononcée. La noblesse esthonienne, effrayée par la perspective des dangers dont la menaçait un travail cadastral analogue, s’était déci-