la liberté. Il est donc absurde et contradictoire de lui donner l’absolu pouvoir d’assurer son repos d’une seule parole, et d’exiger ensuite de son héroïsme ou de sa bonne foi qu’elle se crée des embarras et se donne des affaires. Il existe une force fatale et mécanique qui fait tourner l’exercice d’un tel pouvoir au détriment de l’activité individuelle et du droit des minorités. En un mot, le système de l’autorisation préalable sera conciliable avec la liberté des cultes le jour où un maire ne craindra pas de déplaire à son préfet, où le préfet sera enchanté d’être en horreur à son évêque, où le ministre et le gouvernement s’estimeront heureux d’être en mauvais rapports avec la cour de Rome, c’est-à-dire le jour où la nature humaine sera refondue, où les fleuves remonteront vers leur source. Le bon sens suffirait, à défaut de l’expérience, pour nous apprendre que les libertés les plus indispensables et les plus inoffensives ne sont en sûreté que dans les mains de ceux qui en ont besoin et qui s’en servent.
Tous les amis de la justice, de l’ordre véritable et de la liberté devraient donc se ranger à l’opinion que proclamait si hautement M. Dupin en 1836, que le duc de Broglie a défendue toute sa vie, que Samuel Vincent et Vinet ont exposée dans leurs sages écrits, que M. Jules Delaborde a soutenue dans un grand nombre de plaidoyers aussi remarquables qu’inutiles; tous ceux qui désirent voir leur pays passer enfin de la théorie à la pratique, et cesser de tourner dans une contradiction perpétuelle et stérile entre ses constitutions et ses lois, devraient hâter de leurs vœux et de leurs efforts la suppression légale de l’autorisation préalable, le retour à la loi du 7 vendémiaire an IV, qui exige seulement la déclaration et prescrit la surveillance, ou la rédaction d’une loi quelconque assez claire et assez efficace pour substituer définitivement, dans le régime des cultes et du prosélytisme religieux, l’action répressive des tribunaux à l’action préventive de l’administration.
Nous savons que ce résultat serait loin de contenter tout le monde: pour les uns, c’est si peu de chose, qu’on ne saurait s’en mettre en peine; pour les autres, c’est une mesure trop radicale, et elle mettrait en danger la paix publique. Je suis de l’avis des premiers, s’ils disent qu’il ne faut pas en rester là, qu’il faut souhaiter entre l’état et les cultes une séparation plus complète. Sans être encore aussi convaincu qu’un grand nombre d’honnêtes gens sur cet article, j’incline fort à penser que la France ferait une acquisition avantageuse, si elle échangeait sa législation sur les cultes contre celle des États-Unis, qui a le singulier mérite de ne pas exister, et que nous ferions une importante conquête, si nous pouvions substituer à nos nombreuses lois sur cette matière une belle page blanche sur laquelle il fût interdit d’écrire. Mais qui osera dire que la