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obéit, puis forme un recours auprès du conseil d’état pour obtenir l’autorisation de poursuivre ce maire devant les tribunaux ; le conseil d’état repousse cette demande et refuse de suspendre un seul instant l’inviolabilité du maire. Enfin commence en 1847 l’affaire des baptistes de l’Aisne. Une lettre de l’évêque de Soissons signale des tentatives de prosélytisme parmi ses fidèles et réclame l’appui du bras séculier. Un procès-verbal du maire de Servais constate l’arrestation des prédicateurs et la dispersion « d’un tas d’imbéciles qu’avaient attirés l’ignorance, l’attrait de la nouveauté ou la curiosité. » Le tribunal de Laon condamne les prévenus, la cour d’Amiens confirme le jugement en invoquant a les articles 291 et suivans du code pénal, maintenus et fortifiés par la loi du 10 avril 1834, » et la cour de cassation vient donner la dernière main à cette œuvre en confirmant ces arrêts et en proclamant une fois de plus, comme sa doctrine définitive, que c’est dans l’article 291 du code et dans la loi de 1834 qu’est contenu le régime légal des cultes. Disons encore, pour rappeler de quelle valeur était le contrôle du parlement contrôle cercle de fer d’une semblable législation, qu’antérieurement à ces arrêts la chambre des députés avait, à deux reprises différentes, accueilli favorablement et renvoyé au ministre compétent les pétitions des baptistes du département de l’Aisne.

Dans cette longue série de défaites, on nous reprocherait de ne pas inscrire une victoire : c’est l’arrêt du conseil d’état du 30 mars 1846, rendu en faveur de M. Pertuzon. Mais est-ce bien là une victoire ? Il suffit d’un instant d’attention pour la réduire à sa juste valeur. D’après cette décision du conseil d’état, le ministre d’un culte reconnu, et spécialement du culte réformé, peut, avec la seule autorisation du consistoire, exercer son ministère dans l’étendue de la circonscription consistoriale, sans avoir besoin d’y être autorisé par l’administration. L’article 291 lui serait donc inapplicable ; malheureusement il reste soumis à l’article 294, et commet une contravention, s’il exerce dans un local que l’autorité municipale n’a pas agréé. Il peut donc exercer son culte, mais lorsqu’il demande où il doit l’exercer, l’autorité municipale peut lui répondre : Nulle part ! et il retombe dans cette éternelle impasse d’un arrêté administratif qui échappe au contrôle de la justice, et ne peut être annulé que par le bon vouloir de l’administration. Nous avons vu par la condamnation de M. Oster que l’article 294 suffisait largement, dans la pratique, à rendre illusoire le libre exercice d’un culte ; on en a vu depuis de plus frappans exemples, et il est, nous assure-t-on, telle commune du département de la Somme où les protestans, autorisés depuis longtemps, en vertu de l’article 291, à célébrer leur culte, le célèbrent dans une chambre, à côté d’un temple qu’ils ont bâti