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de la cour de cassation ni chambre toute-puissante, ni droit d’interpellation, ni ministres responsables : que serait devenu M. Oster?

Nous venons de voir M. Dupin déclarer que l’article 291 est incompatible avec le principe de la liberté des cultes et abrogé implicitement par la charte en ce qui les concerne; il n’en est pas de même à ses yeux de l’article 294, et comme la cour de cassation, dans l’arrêt Oster, n’a appliqué que ce dernier article, comme elle avait elle-même, antérieurement à la révolution de juillet, refusé d’appliquer, dans un cas semblable, l’article 291 aux réunions religieuses, on ne peut pas dire encore qu’elle se soit prononcée contre la doctrine de son procureur-général. Dès l’année suivante cependant, elle prenait parti contre lui et déclarait l’art. 291 applicable au régime des cultes. En 1837, un évangéliste, nommé Doine, était allé faire quelques prédications protestantes dans les communes de Cepoy et de Sceaux. Il était envoyé par la Société évangélique de France. On ne peut faire mieux connaître le but de cette société qu’en citant quelques paroles d’un pair de France qui présidait une de ses assemblées générales : « La création de cette société, disait l’amiral Verhuell, est un des phénomènes de nos jours; elle est un bienfait que Dieu dans sa miséricorde a accordé à la France ; elle est une suite naturelle de la liberté des cultes, qu’après une longue attente la constitution du pays nous a enfin accordée. Jamais on n’en a fait un plus noble usage qu’en l’employant pour faire entendre l’Évangile à ceux de nos concitoyens, de nos frères, qui en ignorent encore les sublimes vérités. Le nombre de nos pasteurs est trop restreint; la société y a suppléé en partie par ses ministres et ses évangélistes, qui sont occupés en grand nombre à prêcher et à annoncer la parole du salut... Sans esprit de secte ni de parti, ils cherchent à répandre la parole de Dieu et sont disposés à tendre la main à tous ceux qui en sont touchés, aux catholiques romains aussi bien qu’à nos coreligionnaires... » En un mot, cette société avait pour objet principal le prosélytisme parmi les catholiques; elle prenait son point de départ dans l’article 5 de la charte; c’est assez dire qu’elle ne pouvait manquer de rencontrer sur son chemin l’article 291 du code pénal.

C’est à Sceaux que devait se faire la rencontre. Doine avait trouvé à Cepoy un adjoint bien disposé, qui avait accordé de grand cœur toutes les autorisations nécessaires ; le maire de Sceaux les refusa, et comme plusieurs réunions avaient eu lieu sans son autorisation, la justice dut lui venir en aide et frapper les délinquans. Cette fois on invoquait contre Doine et ses complices non-seulement l’article 291 du code pénal, mais la loi du 10 avril 1834 contre les associations, et rien n’est plus digne d’attention que l’application de