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leurs actes, examiner et sanctionner les décisions papales et les décrets des conciles, en conservant par le conseil d’état la haute main sur les personnes et sur les choses. L’organisation des églises protestantes est fixée avec la même rigueur, et c’est aussi pour toujours; leurs décisions doctrinales ou dogmatiques sont soumises au même examen et à la même autorité, et si les pasteurs ne peuvent s’entendre, c’est le conseil d’état qui est expressément chargé de les mettre d’accord.

« La liberté des cultes, dit Portails en terminant son travail, cette liberté, jusqu’ici trop illusoire, se réalise aujourd’hui, » C’est méconnaître singulièrement l’essence et les conditions de la liberté des cultes que de la croire fondée par des actes qui, de l’aveu même du législateur, ont pour but principal de mettre obstacle à l’introduction des doctrines arbitraires, de donner aux individus un centre de croyances, de rassurer le gouvernement sur des dogmes qui ne changent pas, de régulariser la superstition et de la resserrer dans des bornes infranchissables. La liberté des cultes est directement le contraire de tout cela, et pour la définir il suffit de prendre au rebours cette définition de Portails. Pour qu’elle existe, il faut que rien ne mette obstacle à l’introduction des doctrines arbitraires, que les individus puissent se créer de nouveaux centres de croyances, que les dogmes puissent changer, et que la superstition n’ait d’autres bornes que la loi répressive, qui atteint et punit les délits communs.

Un célèbre pasteur de Nîmes, le respectable Samuel Vincent, appréciait en 1829, avec une perspicacité remarquable, le caractère du concordat et des lois qui l’accompagnent. « Par la loi du 18 germinal, disait-il, les religions cessent d’exister par elles-mêmes et pour elles-mêmes; elles font corps avec le gouvernement, elles deviennent un objet d’administration. Leur marche est réglée par la loi, leur discipline y est consacrée. Un nouvel élément, d’une force inconnue, entre dans leur vie extérieure, et, pour tout dire, désormais elles ne peuvent durer en paix que par le repos et la fixité. » Cette dernière remarque est d’une profonde justesse. Le repos et la fixité des religions sous l’œil et la main du pouvoir, voilà l’idéal de cette législation, et à ce point de vue elle est amplement suffisante et réellement protectrice pour les temps d’inertie religieuse et de complète indifférence. Les cultes peuvent vivre en paix à son ombre, à la condition que leur vie soit un sommeil pour ainsi dire, qu’ils ne soient point tentés de se mouvoir, d’entreprendre les uns sur les autres, de se modifier ou de s’étendre. Lorsque les citoyens ne voient dans leurs divers cultes qu’un ornement de la puissance publique et une tradition de la famille, qu’un ensemble de cérémonies pour