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{{tiret2|quel|ques) questions pour la forme ; il me connaissait. — Ce n’est pas toi que nous cherchons, me dit-il ; c’est Saint-Jean et un autre ; tu sais qui je veux dire. Indique-nous où ils sont.

Je protestai de mon ignorance.

— Bien, dit le brigadier, tu manges le pain de la maison, je savais que tu te tairais.

Il interrogea ensuite Ménine, qui répondit, elle aussi, qu’elle ignorait ce qu’on voulait lui dire ; mais sa pâleur et le tremblement de tous ses membres n’eussent pas échappé à un enfant, ils étaient décisifs pour un brigadier de gendarmerie.

— Où couche cette fille ? demanda-t-il.

— Là, répondit la vieille dame en montrant une chambre en face de la sienne.

Le brigadier prit la chandelle de résine, et ouvrit la porte. Derrière des hardes appendues au mur deux jambes d’homme étaient parfaitement visibles.

— En voici un, dit le brigadier.

Janouet se montra ; il était habillé. La vieille dame fit une exclamation d’étonnement qui eût été risible dans tout autre moment. Ensuite elle se répandit en imprécations contre le dévergondage des jeunes servantes en général, et de Ménine en particulier. Elle ne se doutait pas du danger que courait son fils.

— Où avez-vous passé la nuit ? dit le brigadier à Janouet.

— Ici, répondit Ménine d’une voix que je ne lui connaissais pas.

— Ma chère, vous vous pressez trop de l’avouer pour que cela soit vrai, dit le gendarme ; du reste, nous allons savoir la vérité. Les assassins ne pouvaient avoir cinq minutes d’avance sur nous. Ils n’ont pas eu le temps de se déshabiller ; ils doivent être trempés. Approchez, jeune homme.

Les habits de Janouet étaient parfaitement secs. On chercha vainement sur lui des traces de sang. Le brigadier déclara qu’il pouvait se faire qu’il se fût trompé. Il fit des perquisitions inutiles dans le château. Il emmena néanmoins Janouet, en cherchant toutefois à le rassurer. — Nous nous sommes trompés de piste, dit-il, du moins je l’espère.

Le lendemain, nous sûmes ce qui s’était passé pendant la nuit. Le percepteur avait été assassiné dans les landes, non loin de Casaubon. Un coup de volant lui avait ouvert le crâne, de nombreux coups de massue l’avaient achevé. On retrouva auprès du cadavre le volant et la massue ensanglantés ; mais les assassins ignoraient que les gendarmes accompagnaient cette fois le percepteur. Ils étaient à deux cents pas en arrière, parce que la sangle d’un des deux chevaux s’était détachée. Ils entendirent le cri poussé par leur compagnon de voyage, et arrivèrent à temps pour sauver la valise