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qu’elle ne semblait plus comprendre les questions qui lui étaient adressées, fit un signe au danneman, qui emmena doucement la pauvre voyante, en jetant sur l’assemblée un regard de triomphe pour la manière dont sa sœur avait répondu.

— Que voulez-vous de plus ? dit M. Goefle à l’assistance ; cette femme enthousiaste ne vous a-t-elle pas dit, en quelques mots de sa poésie rustique, les mêmes choses que Stenson a écrites ici avec la netteté méthodique de son esprit ? Et l’espèce de délire où elle vit n’est-il pas une preuve de ce qu’elle a souffert pour ceux qu’elle a tant aimés ?

L’occasion de plaider un peu était trop belle pour que M. Goefle pût se retenir de la prendre aux cheveux. Il parla d’inspiration, résuma les faits rapidement, raconta en partie la vie de Christian après avoir établi son identité par les lettres de Manassé à Stenson, éclaircit toutes les circonstances romanesques des deux journées qui venaient de s’écouler, et sut si bien porter la conviction dans les esprits, qu’on oublia l’heure avancée et la fatigue pour lui adresser des questions afin d’avoir le plaisir de l’entendre encore, après quoi chacun apposa sa signature sur le procès-verbal de la séance.

Le baron de Lindenwald fit une dernière tentative pour relever le courage abattu des autres héritiers. — N’importe, dit-il en se levant, car les portes étaient ouvertes, et l’on était libre de se retirer : nous aurons raison de toutes ces fictions ridicules, nous plaiderons !

— J’y compte bien, répondit M. Goefle fort animé, et j’attends les argumens de pied ferme.

— Moi, je ne plaiderai pas, dit le comte de Nora ; je suis convaincu, et je signe.

— Ces messieurs ne plaideront pas non plus, dit l’ambassadeur avec intention.

— Si fait, reprit M. Goefle, mais ils perdront.

— Nous attaquerons la validité du mariage, s’écria le baron ; Hilda de Blixen était catholique !

Christian, irrité, allait répondre ; M. Goefle l’interrompit précipitamment : — Qu’en savez-vous, monsieur ? dit-il au baron. Où en trouvez-vous la preuve ? Où est cette prétendue chapelle de la Vierge qu’elle avait fait ériger ? À présent que le Stollborg n’a plus de mystères pour personne, soutiendra-t-on encore ce conte ridicule, qui a servi ici de prétexte à plusieurs pour abandonner cette malheureuse femme à la persécution et à la mort ?

— Mais M. Christian Goffredi, élevé en Italie, n’est-il pas catholique lui-même ? murmuraient les héritiers en s’éloignant. Patience ! nous le saurons bien, et nous verrons si un homme qui ne peut