Page:Revue des Deux Mondes - 1858 - tome 17.djvu/290

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

La cachette ouverte, le ministre y prit lui-même un coffret de métal, où se trouva une pièce décisive dont il donna lecture.

C’était un récit très net et très détaillé, écrit en entier de la main de la baronne Hilda, des tristes jours qu’elle avait passés au Stollborg sous la garde de l’odieux Johan, et des persécutions exercées contre elle et contre ses fidèles amis et serviteurs, Adam Stenson et Karine Bœtsoï.

La malheureuse veuve déclarait et jurait « sur son salut éternel et sur l’âme de son mari et de son premier enfant, tous deux assassinés par l’ordre d’un homme qu’elle ne voulait pas nommer, mais dont les forfaits seraient connus un jour, » qu’elle avait donné naissance à un second fils, fruit de sa légitime union avec le baron Adelstan de Waldemora, le 15 septembre 1746, à deux heures du matin, dans la salle de l’ourse, au Stollborg. Elle racontait, d’une façon à la fois modeste et dramatique, le courage qu’elle avait eu de ne pas faire entendre la moindre plainte à ses geôliers, installés auprès d’elle dans la chambre dite chambre de garde. Karine l’avait assistée dans ses souffrances, tout en chantant auprès d’elle pour couvrir le bruit des vagissemens du nouveau-né. Stenson n’avait pas quitté la chambre pendant la naissance de l’enfant, et aussitôt après il avait tenté de l’emporter par la porte secrète ; mais cette porte se trouva fermée en dehors et gardée. (À cette époque, la brèche de l’appartement situé au-dessus de la chambre de l’ourse n’existait pas, puisque Stenson n’avait point essayé d’en profiter.) Stenson, après avoir été fouillé, réussit pourtant à sortir du donjon pour chercher une barque, qu’à la faveur de la nuit il parvint à amener sous les rochers ou galets du lac, et Karine lui descendit l’enfant par la fenêtre au moyen d’une corde et d’une corbeille. Tout cela avait pris du temps, et le jour paraissait. La fenêtre de la chambre de garde s’ouvrit au moment où Stenson recevait l’enfant dans ses mains tremblantes ; mais, heureusement protégé par la voûte de rochers, il avait pu se tenir caché là et attendre que les gardiens se fussent rassurés, pour traverser, en se recommandant à Dieu, le court espace entre le lac et la rive, derrière le gaard.

Christian, en explorant ce site bizarre, avait donc deviné et reconstruit sa propre histoire.

L’enfant avait été confié à Anna Bœtsoï, mère de Karine et du danneman Joë. Il avait été nourri par une daine apprivoisée dans les chalets du Blaakdal, et de temps en temps la baronne captive recevait de ses nouvelles au moyen de certains signaux de feux allumés à l’horizon.

Rassurée sur le sort de son enfant, la baronne avait espéré pouvoir le rejoindre et s’enfuir avec lui en Danemark ; mais le baron