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de peine à se contenir ; mais le regard tendre et suppliant de Marguerite produisit ce miracle.

— À présent, dit le ministre quand le silence fut rétabli, introduisez M. Adam Stenson, que nous tenons au secret dans son appartement depuis sa sortie de prison.

Adam Stenson comparut. Il s’était habillé avec soin ; sa douce et noble figure altérée de fatigue, mais digne et sereine, produisit beaucoup d’émotion. M. Goefle le pria de s’asseoir, et lui donna lecture de la déclaration écrite de sa main et confiée à Manassé, à Pérouse. Cette pièce, qui n’avait pas encore été produite à l’assemblée, fut accueillie avec un grand mouvement de surprise et d’intérêt par les uns, avec un silence de stupeur par les autres.

L’ambassadeur de Russie, qui n’avait peut-être pas sur Christian les vues que lui attribuait ou que voulait lui susciter la comtesse d’Elvéda, mais qui s’intéressait véritablement à sa figure et à son air déterminé, commença à témoigner de son approbation pour la manière dont cette instruction était conduite, à l’effet de prévenir un débat judiciaire, ou d’y apporter, si l’on y était conduit, toutes les lumières de la conscience. Il faut dire aussi que les amis de Christian avaient amené là le personnage par la douceur et la prière. Les égards que lui témoignait adroitement M. Goefle, en dépit de ses préventions contre son rôle politique, flattaient l’ambassadeur, qui aimait à se mêler des affaires particulières comme des affaires publiques de la Suède.

Quand la pièce fut lue, le ministre, s’adressant à Stenson, lui demanda s’il était en état d’entendre les questions qui lui seraient adressées.

— Oui, monsieur le ministre, répondit Stenson. J’ai l’oreille affaiblie, il est vrai, mais pas toujours, et j’entends souvent des choses auxquelles je ne veux pas répondre.

— Voulez-vous répondre aujourd’hui ?

— Oui, monsieur, je le veux.

— Reconnaissez-vous dans cette pièce votre écriture ?

— Oui, monsieur, parfaitement.

— Les raisons de votre long silence y sont indiquées, reprit le ministre ; mais la vérité exige plus de détails. La manière dont le baron vous a traité jusqu’à ce jour ne semble pas motiver la crainte que vous aviez de lui ni les terribles intentions que votre déclaration lui attribue envers d’autres personnes.

Pour toute réponse, Stenson releva les manches de son habit, et, montrant, sur ses bras maigres et tremblans, les traces de la corde qui avait serré ses poignets jusqu’à en faire jaillir le sang : — Voilà, dit-il, quels jeux s’amusait à regarder le baron quand l’agonie a