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mieux que nous les tendances aveugles qu’il a pris le parti de combattre en face. Cependant, quand nous rapprochions du régime actuel de la presse la licence des brochures anonymes lancées contre l’Angleterre et le concert de correspondances hostiles à l’alliance qui de Paris allaient se répandre dans les feuilles départementales, nous ne suivions point sans une perplexité douloureuse cette agitation factice que l’on ne sait qui cherchait à exciter dans l’opinion publique. C’était un vrai scandale que de pareilles manœuvres n’eussent point été arrêtées par l’entrevue de Cherbourg. Il était temps enfin qu’une voix autorisée, une voix non suspecte, vînt donner un démenti public à ces tentatives abrutissantes et malfaisantes. M. de Persigny a pris ce rôle, et s’en est dignement acquitté. Il a raisonné, pour employer une expression diplomatique, avec l’opinion sur les avantages de l’alliance anglaise, et il a mis le doigt avec une remarquable justesse sur les vraies raisons qui recommandent cette alliance à une politique patriotique et sensée. Il ne s’est pas contenté de signaler la solidarité d’intérêts financiers, industriels et commerciaux qui lie les deux peuples; il a senti que ce qu’il importait de faire comprendre à l’opinion française, si mal instruite des mobiles actuels de la politique anglaise, c’est que l’Angleterre est loin d’avoir envers nous cette jalousie que des passions ignorantes nourrissent en France contre elle. Les Anglais n’ont point de motifs de nous combattre. La suprématie maritime et coloniale que nous leur disputions au XVIIIe siècle leur a été acquise à l’issue des guerres de l’empire ; une lutte nouvelle ne leur ouvrirait donc aucune perspective d’agrandissement. La défaite leur enlèverait une partie des avantages qu’ils possèdent, la victoire ne ferait que leur en assurer la conservation. La guerre ne peut se présenter à eux que sous la forme d’une lutte défensive : alliés à nous, ils n’ont point à redouter les nécessités ruineuses d’une guerre condamnée pour eux à des résultats si stériles; rassurés alors, ils ne sauraient songer à contrarier la politique française se développant dans le cercle de ses influences continentales. Ici M. de Persigny, avec une franchise et une loyauté dignes d’éloge, a rappelé les deux circonstances récentes et mémorables où la politique anglaise a fait taire ses répugnances devant les convenances de la politique de la France. Tous ceux qui ont suivi attentivement depuis l’origine, dans l’enchaînement des négociations et des faits, la dernière guerre d’Orient, savent que le gouvernement anglais avait peu de goût à s’engager dans cette guerre : sans l’élan instinctif de l’opinion anglaise, sans la pénétration et l’énergie de lord Stratford de Redcliffe, la France serait sortie moralement battue du différend des lieux-saints. Le bon vouloir de l’Angleterre nous a seul permis de changer un échec diplomatique en un triomphe politique et militaire. Ce triomphe obtenu suffisait à la France, à qui pesaient d’ailleurs les charges financières de la guerre; mais l’Angleterre s’était préparé une victoire maritime dans la Baltique, et cependant, sacrifiant l’amour-propre national, elle a signé la paix, qui nous convenait et qui coûtait quelque chose à son prestige. Telle est en deux mots l’histoire de l’alliance dans la dernière guerre; il y avait une ingrate maladresse à l’oublier, et M. de Persigny a fait, nous le répétons, un acte honnête et sensé en la remettant en lumière.

Le président du conseil-général de la Loire ne pouvait pas, dans un simple discours, épuiser cette grande question. L’histoire du premier empire ne lui