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se trouve arrêté seront un jour vaincues : il a fallu bien du temps et des efforts pour transformer les premières machines à vapeur, informes et d’une si faible puissance, en celles que nous possédons. Un grand avenir est réservé aux machines à air chaud, mais elles attendent encore leur Watt et leur Stephenson.

Il suffit d’indiquer de semblables questions pour faire comprendre l’importance des travaux qui doivent en fournir la solution. Pour être en état de servir avec efficacité les intérêts qui la sollicitent, la science est avant tout obligée de se constituer elle-même et d’approfondir les problèmes variés que lui pose la nature. Si peu avancée que soit encore la nouvelle théorie de la chaleur, elle rend pourtant déjà compte d’une manière satisfaisante de phénomènes importans qui, dans l’ancienne doctrine, demeuraient très obscurs. Le changement d’état des corps, c’est-à-dire le passage de l’état solide à l’état liquide et à l’état gazeux, la chaleur latente, les lois du rayonnement, sont autant de sujets, bien familiers aux physiciens, auxquels on peut appliquer avec beaucoup de succès les principes nouveaux. Ils nous permettent de pénétrer plus profondément qu’on ne l’avait jamais fait dans le secret des modifications que subit la matière sous l’influence de la chaleur. Représentons-nous en effet le calorique comme un mouvement de l’éther interposé entre les parties les plus intimes des corps : échauffer une substance, ce sera lui communiquer une certaine quantité de mouvement ; une partie sera employée à ébranler les molécules matérielles elles-mêmes, le reste à agiter l’éther qui les sépare. La première de ces deux portions cessera d’être sensible comme chaleur, puisqu’elle est consommée comme travail dynamique, et sert à modifier la densité ou l’état physique du corps. La seconde seulement représente la chaleur qui lui est communiquée.

Que l’on ne considère point ces distinctions comme d’oiseuses subtilités ; nous allons en tirer sur-le-champ une conséquence remarquable. Quand on échauffe des substances diverses, la quantité de mouvement dont s’emparent les molécules n’est pas la même pour tous ; celle qui demeure apparente sous forme de chaleur varie aussi de l’un à l’autre, ce qu’on exprime en disant que les corps ont des chaleurs spécifiques inégales. On comprendra aisément que plus il y a de calorique employé à déplacer les molécules pesantes, moins il doit en rester de sensible. Ainsi plus les atomes sont lourds ou difficiles à ébranler, plus la chaleur spécifique devra être considérable. Le rapport qui relie la chaleur spécifique au poids atomique avait déjà été aperçu par Dulong, qui a si puissamment contribué, par ses belles expériences, à la découverte des principales données relatives à la chaleur ; les recherches de M. Regnault ont