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nous ont fourni sur ce point des données d’une telle importance, qu’on nous permettra de les exposer avec quelques détails.

Dans ses Réflexions sur la puissance motrice du feu, Carnot a pour la première fois examiné comment le mouvement de la chaleur dans les corps peut servir à produire un effort ou travail dynamique. Il appliqua son esprit vigoureux à résoudre ce problème délicat, aussi important par ses applications que par sa portée théorique. Le célèbre géomètre ne crut pas nécessaire d’abandonner les notions anciennes, relatives à la nature du calorique : il le considérait comme une véritable substance, et attribuait les effets dynamiques dont cette substance est capable au simple fait de son passage d’un corps à l’autre. Dans de pareilles idées, quand une masse gazeuse est employée à soulever un poids, il faut admettre que le calorique qui y était condensé avant l’effet s’en trouve en quelque sorte exprimé graduellement à mesure qu’il se produit ; aucune portion de la chaleur n’est anéantie, elle ne fait que se déplacer. Aujourd’hui nos idées sont entièrement modifiées sur ce point : nous croyons, je puis même dire nous savons que, pendant l’accomplissement d’un tel travail, une certaine somme de chaleur disparaît ; on ne peut la retrouver ni dans le gaz ni dans le corps qu’il a soulevé. Cette quantité de calorique disparue est d’autant plus considérable que l’effort nécessaire pour vaincre la résistance a été plus grand. En regardant, comme le faisait encore Carnot, le calorique comme une substance, on ne pouvait, sans révolter la raison, admettre qu’il fût possible d’en détruire ou d’en créer ; mais, si l’on considère au contraire la chaleur comme résultant d’un mouvement particulier de la substance matérielle, on conçoit très facilement qu’en se propageant, ce mouvement se transforme. Les forces qui maintiennent dans leur position respective les molécules d’un gaz échauffé peuvent bien par exemple être employées à soulever des poids ; ce qu’elles perdent en produisant un travail extérieur et visible deviendra sensible au sein du gaz lui-même par une diminution correspondante de température. D’après ces principes, la chaleur peut se convertir en travail mécanique ; à son tour, celui-ci peut servir à reproduire du calorique. Le nombre qui représente et formule cette loi d’équivalence a pris le nom d’équivalent mécanique de la chaleur. La découverte de cette relation établit un lien profond entre les mouvemens visibles de la matière et ces mouvemens invisibles que le raisonnement nous oblige à admettre, mais qui ne se révèlent à nous que sous la forme de pures impressions physiques. En appliquant les idées nouvelles à l’étude de la nature, on arrivera sans doute à y saisir des lois qui nous restent encore inconnues, et l’on pourrait presque dire, sans