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répondu, et les rapports de l’expédition américaine ont effectivement confirmé l’appréciation du conquérant. Toutefois il est permis de croire que ce n’est pas là ce qui arrêterait les entreprises de l’Union, et peut-être le jour n’est-il pas éloigné où l’on verra ses navires lui créer dans une de ces îles une des positions avancées dont nous parlions.

La France seule est jusqu’ici restée en dehors des relations nouvelles qui tendent à s’établir entre l’Europe et le Japon. Ce n’est là, on doit l’espérer, qu’un ajournement, car, malgré le peu d’importance de notre commerce dans ces mers lointaines, la nature de notre influence y est indiquée par la rivalité des ambitions étrangères qui vont se trouver en présence. Ajoutons que la pénétration japonaise ne s’y est pas trompée, et que ce gouvernement, qui s’était laissé arracher avec tant de peine les trois traités dont nous venons de parler, en faisait de son propre mouvement offrir un quatrième officieusement au commandant de la Constantine lors du séjour de cette corvette à iSangasaki[1]. En somme, et pour répondre à la question posée plus haut, il est clair que le Japon sera désormais surveillé de trop près par les diverses puissances maritimes pour qu’il y ait à craindre que la mer qui baigne ses côtes devienne de si tôt un lac russe. Est-ce à dire que l’on doive espérer de le voir prochainement ouvert à un commerce réel et converti à notre civilisation? Nous ne le croyons pas davantage. Ce qui est certain, ou du moins ce qui semble plus que probable, c’est que de grandes puissances s’y sont déjà choisi des positions précieuses. Il importe donc d’être en mesure de remplir dans les mers de l’Asie un rôle digne de la France, car le moment peut venir de revendiquer notre part d’action dans une œuvre qui tendrait à préparer l’ouverture du Japon en l’entourant d’établissemens assez forts pour y faire respecter, pour y propager même un jour la salutaire influence de la civilisation.


ED. DU HAILLY.

  1. Il faut dire que cette ouverture, si contraire aux traditions du pays, avait un double but. Les Japonais considéraient avec raison le traité des Anglais comme plus avantageux pour eux que les deux autres, et, s’attendant à voir le gouvernement britannique revenir sur les conventions de sir James Stirling, ils eussent voulu nous en faire admettre de semblables;, sur lesquelles ils pussent s’appuyer plus tard, en présence des réclamations qu’ils prévoyaient. Le commandant français n’ayant aucun caractère officiel comme négociateur, l’habileté diplomatique du cabinet japonais ne put aboutir.