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au Japon, en vertu du traité signé peu de mois auparavant par le Commodore Perry[1].

L’expédition commandée par ce dernier officier a été la première des trois, et c’est de beaucoup celle qui a eu le plus de retentissement. Seconde puissance commerciale du globe, les États-Unis devaient nécessairement voir d’un œil d’envie les progrès de l’Angleterre dans les mers méridionales de la Chine, sur ce marché qui occupe annuellement une flotte de 300,000 tonneaux, et lui donne à transporter pour près de 400 millions de marchandises. L’Américain croit, non sans raison, que l’avenir lui réserve une part importante, la plus riche peut-être, dans l’immense développement qui semble assuré au commerce du Pacifique. Déjà ses têtes de colonne ont débouché sur cet océan; l’Orégon se peuple de ses far-westers et de ses émigrans ; la Californie a pris rang parmi les pays producteurs, et San-Francisco se plaît à rêver des destinées rivales de celles de New-York et de Liverpool. Ce port est en effet plus rapproché de la Chine et du Japon que ne l’est la Grande-Bretagne de ses possessions indiennes, et il était naturel que, dans sa fièvre incessante d’agrandissement, l’Américain fût attiré vers ces deux empires couverts d’une innombrable population. En Chine, l’Angleterre avait pris les devans, mais le Japon restait intact; ce fut là sans doute ce qui détermina le gouvernement de Washington à y expédier le commodore Perry, dont l’ambassade, conduite avec autant de modération que d’habileté, a donné tous les résultats qu’on en pouvait raisonnablement attendre, et n’a pas peu contribué à rectifier les idées de l’Europe sur ces pays mal connus.

Le traité conclu par l’officier américain n’est pas, à proprement parler, ce que l’on entend par un traité de commerce. C’est une sorte de convention qui ouvre un certain nombre de ports aux navires de l’Union, et leur y permet un trafic environné de restrictions assez nombreuses. Ainsi en aucun cas le négociant étranger ne peut être accompagné de sa famille, et cela afin d’empêcher de sa part un établissement trop définitif; tout au plus, et avec beaucoup de difficultés, les Japonais ont-ils consenti à voir résider sur leur sol les agens consulaires strictement indispensables. Sauf quelques modifications peu importantes, ce traité a ensuite servi de modèle à celui des Russes, puis à celui des Anglais. On

  1. Ne nous occupant ici que de l’avenir européen au Japon, et non du passé historique de ce pays, nous n’avons pas cru devoir parler du rôle intéressant qu’y a joué la Hollande. Il est clair que la position exceptionnelle de cette puissance se modifiera tout naturellement par le contre-coup des progrès que feront auprès du gouvernement de Yédo les États-Unis, l’Angleterre et la Russie.