le théâtre, à partir de la découverte de l’or en 1948, mit un terme naturel à ces velléités de colonisation. Réduite aujourd’hui au seul commerce des fourrures, c’est à Sitka que la compagnie russo-américaine a établi le centre de ses opérations. Les amiraux alliés, réunis le 13 juillet 1855 devant ce port, avaient l’espoir d’y trouver au moins quelques renseignemens sur le but de l’expédition : leur attente fut déçue. Un vapeur s’était détaché de l’escadre pour s’engager dans le long canal qui conduit au havre intérieur, en serpentant au milieu d’un dédale d’îles basses et boisées; à la vue des couleurs anglaises, un canot vint de terre confirmer l’absence trop visible de tout navire ; les employés de la compagnie et leurs familles étaient seuls restés dans le fort. Dans le cas où l’on eût jugé à propos d’en ruiner les défenses, ils demandaient à quitter un point où rien ne les protégerait plus contre les nombreuses tribus d’Indiens sans cesse en éveil. Il est inutile d’ajouter que tout fut respecté, et le même jour l’escadre reprenait sa route vers le sud.
Avec le résultat de cette visite s’évanouissait pour nous le dernier espoir de rencontrer la division sortie de Petropavlosk. Cette division s’était-elle réfugiée dans la mer d’Okhotsk? Était-elle, comme de vagues rumeurs tendaient à le faire croire, allée chercher un abri derrière les bancs qui ferment l’embouchure de l’Amour? C’est ce dont il restait à s’assurer; mais dans les deux cas les instructions envoyées d’Europe attribuaient la suite des opérations aux bâtimens en station sur les côtes de Chine, et c’est à eux que nous devions maintenant nous réunir. Transportons-nous donc dans ces mers, au milieu de cette autre division, à quinze cents lieues des sombres et brumeuses latitudes que nous venons de parcourir, et quelques semaines avant l’époque où nous quittions Petropavlosk. Le soleil a reconquis tous ses droits et monde de lumière les calmes eaux d’une baie profonde, parsemée d’îlots couverts d’une riche végétation; les rives sont découpées d’anses gracieuses où se pressent de nombreuses habitations ensevelies sous des massifs de verdure; tout autour s’élèvent en amphithéâtre de hautes montagnes, dont les flancs tapissés de moissons dorées annoncent l’abondance et la fertilité d’un heureux climat. Nous sommes au Japon, sur la belle rade de Nangasaki. Au milieu des jonques massives qui encombrent le port se dressent les mâtures fières et élancées de trois navires à l’arrière desquels flotte le pavillon français : c’est la division des mers de Chine, commandée par le capitaine de vaisseau Tardy de Montravel.
A la date du 21 mai 1855, où nous fait remonter cet autre épisode de notre récit, la division française des mers de Chine se disposait à rejoindre l’amiral anglais, sir James Stirling, à Hakodadi, dans le nord du Japon. Du reste, nul plan n’avait encore été définitivement