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nombre de ses condamnations précédentes, ne peut encourir que dix ans de servitude. Des malfaiteurs furent donc continuellement libérés, même indépendamment de la faveur du ticket of leave, après une détention trop courte pour pouvoir être salutaire. Ainsi qu’on devait s’y attendre, le crime déborda dans toutes les parties du royaume-uni et surtout à Londres. Le public s’alarma sérieusement, et un tolle général s’éleva contre le système des libérations provisoires, sur le compte duquel on mettait assez inconsidérément toutes les attaques contre les personnes et contre les propriétés. On accusa la théorie du châtiment réformatoire des mêmes sophismes et des mêmes exagérations que le système utilitaire de Bentham. Qui peut savoir, disait-on, si un condamné a pris ou non la résolution de remplir désormais ses devoirs envers l’homme et envers Dieu, s’il a ou n’a pas surmonté tous les obstacles qui peuvent l’empêcher d’exécuter ses bonnes résolutions? dans la plupart des cas, le plus coupable sera le moins puni. Les plus endurcis ne sont nullement ceux qui le paraissent, et au contraire ce sont eux qui montrent le plus de soumission à la discipline de la prison. Il n’y a qu’une chose à faire, c’est de revenir à une pénalité plus rigoureuse.

Au milieu de ces récriminations universelles, une voix s’élevait pour défendre le nouveau système. La théorie du châtiment réformatoire, disait M. Hill, le recorder de Birmingham, est excellente; mais nous l’appliquons sans les précautions qu’elle exige. Les prisonniers libérés provisoirement ou définitivement doivent être préparés à la liberté, et ni le régime, ni le personnel de nos prisons ne sont encore ce qu’ils doivent être pour assurer, autant que possible, la réformation des coupables. Il faut ouvrir un compte à chaque détenu, pour le créditer de la valeur réelle ou fictive de son travail. La quantité et la qualité de son ouvrage doivent avancer ou retarder l’époque de sa libération. Des espérances lointaines, fût-ce même la perspective de la liberté, n’agiraient pas suffisamment sur lui sans l’espoir de quelque avantage immédiat. Il doit donc avoir la faculté d’affecter une part de ses bénéfices à l’amélioration de sa nourriture. Ce sera un moyen de lui faire contracter des habitudes laborieuses. Quoique le travail doive lui procurer une existence honnête, il ne le protégera pas assez contre les tentations, si on ne lui apprend à maîtriser ses passions et à se gouverner soi-même. Il faut donc que tout prélèvement fait pour sa bouche sur le fonds créé par son travail retarde, aussi bien que la paresse, l’heure de son élargissement. Par là, il apprendra l’économie. Enfin il y a tout un système d’éducation et d’épreuves à fonder pour faire de l’homme qui s’est mis en état de révolte contre les lois un membre honnête de la société. Ce n’est pas tout. La liberté provisoire du condamné ne requiert pas moins de surveillance que son état de