(rookeries), comme on les appelle à Londres[1]. M. Léon Faucher n’exagérait pas, et encore aujourd’hui les économistes anglais eux-mêmes font de ces incroyables horreurs une peinture tout aussi désolante. Dans tous les grands centres de population, principalement à Londres dans les quartiers de Kensington, de Saint-Giles, de White-Chapel, de Wapping, au centre même de la Cité, ce plus riche amas des richesses de la terre, à deux pas du palais de la reine, sous les murs de Westminster-Hall, palais du parlement, des êtres humains, et surtout des Irlandais, à la fois victimes et fléaux d’une société qui fait peser sur eux les iniquités de la conquête, pourrissent entassés sur un fumier de haillons et dévorés par la vermine et la fièvre. Dans cette condition, bien inférieure à celle des animaux domestiques, les germes du sens moral sont étouffés dès l’enfance, les miasmes lourds et empoisonnés de l’atmosphère entretiennent le besoin des liqueurs fortes, et une habituelle intempérance complète l’abrutissement d’une population dont les courtes existences se reproduisent par la plus hideuse débauche. Faut-il s’étonner que le vol et le meurtre soient fréquens dans ces pandémoniums, dont l’aspect n’est comparable qu’à celui des prisons de la Chine?
Il y a vingt-quatre ans seulement que l’état sanitaire des logemens des classes pauvres attira l’attention des esprits éclairés de la Grande-Bretagne. Le docteur Southwood-Smith, par des études qui devinrent les élémens de son bel ouvrage sur la fièvre, fut amené à constater la nécessité impérieuse d’attaquer le mal à sa racine, non-seulement dans l’intérêt des victimes immédiates, mais encore pour défendre de ses atteintes pestilentielles les habitans des plus riches quartiers. En même temps M. Edwin Chadwick, secrétaire du bureau de la loi des pauvres, en recherchant les causes principales du paupérisme, les trouva en grande partie dans les maladies engendrées par l’insalubrité des habitations. Ainsi le médecin et l’administrateur, abordant le sujet par des côtés opposés, se rencontrèrent sur le même terrain, et aboutirent au même point. Il devint manifeste que l’encombrement des locataires, l’insuffisance de la ventilation et les vices du drainage entretenaient une peste permanente dans la population des cours, des allées et des mauvaises rues, et que cet état morbide, aggravé par les habitudes d’intempérance qui en résultaient, détruisait graduellement toutes les facultés du corps et de l’âme. Les rapports du docteur Southwood-Smith et de M. Chadwick faisaient en outre peser sur la société en général toute la responsabilité de ce mal révoltant. En effet, si le riche lui-même ne peut pas toujours imposer à son voisin les tra-
- ↑ Voyez la Revue du 1er octobre et du 1er novembre 1843.