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graphie du catholicisme, avaient formé le siège d’un vicariat apostolique, institué « en faveur de MM. des missions étrangères. » Les jésuites n’y étaient donc plus, du moins aux yeux de l’église, dans une situation prépondérante; leurs travaux cependant ne perdirent rien de leur activité. Il y a là dans le livre qui vient d’être publié, une lacune, comblée tout au plus par quelques réticences indiquant que l’harmonie ne régna pas constamment entre les évêques et les jésuites. On dit bien que l’institution d’un vicariat pour le Tonkin et la Cochinchine a été provoquée par le père de Rhodes, d’après les instructions émanées des supérieurs de la compagnie de Jésus; mais il est probable que ce n’était point en faveur des pères des missions étrangères que cette création était proposée. De là sans doute les préventions, les malentendus, que l’on se borne à déplorer, sans entrer dans aucun détail. Ces débats entre les divers ordres religieux dans les régions de l’Indo-Chine n’ont occupé, on le sait, que trop de place dans l’histoire des missions.

Les publications que la compagnie de Jésus vient d’entreprendre sur les voyages et les travaux de ses missionnaires doivent servir de complément aux Lettres édifiantes. Les récits des persécutions et des martyres s’y rencontrent donc très fréquemment, et offrent à l’admiration des fidèles le courage des apôtres ainsi que la persévérance des néophytes indigènes. On ne doit pas non plus s’étonner d’y lire un grand nombre de miracles. Nous pensons pourtant, sans manquer à la révérence due aux choses saintes, que puisque ces écrits sont extraits de plusieurs correspondances ou mémoires laissés par les anciens missionnaires, on aurait pu résumer davantage quelques-unes de ces manifestations miraculeuses. Nous ne voulons pas insister sur ce point plus qu’il ne convient, et nous nous bornons à exprimer le regret que, même dans une œuvre principalement destinée à être édifiante, les habiles rédacteurs du texte, les pères de Montezon et Estève, n’aient point saisi l’occasion de faire entrer un plus grand nombre de renseignemens sur les mœurs, sur les usages et sur la politique de la Cochinchine et du Tonkin. Les jésuites assurément en savent plus qu’ils n’en disent, et nous ne voyons pas ce qui a pu les empêcher de multiplier les indications semblables à celles qui se trouvent parfois dans la relation du père Tissanier. Cette relation nous donne un tableau du Tonkin au XVIIe siècle, et au milieu de réflexions parfois naïves se dégagent des informations curieuses sur le gouvernement de ce pays, sur les coutumes politiques ou religieuses, sur les fêtes de la cour, etc. Les autres extraits sont à peu près dépourvus de ce genre d’intérêt, et ils n’ont que la valeur qui s’attache à la lecture d’un livre de piété. On peut se montrer plus exigeant à l’égard d’une compagnie qui possède des archives si précieuses, et qui compte dans ses rangs tant d’esprits distingués. Nous oserions, pour les ouvrages qui doivent faire partie de la collection, proposer pour modèles quelques-uns des traités qui composent la série des Mémoires concernant les Chinois. Nous demanderions même qu’un choix de ces Mémoires fût réimprimé. C’est un monument scientifique, littéraire, historique, qui laissera une trace ineffaçable du passage des missionnaires jésuites en Chine. Tout ancien qu’il est, il n’est point dégradé. Il serait digne des jésuites de le remettre en lumière par une nouvelle édition :