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veil n’en a pas moins sonné, et tout ce qui languissait engourdi sera bientôt debout. La Russie serait en dehors des conditions de l’humanité, si cette grande révolution sociale pouvait s’opérer dans son sein sans aucun des déchiremens qui ont accompagné chez tous les autres peuples des crises semblables. Que va faire de sa liberté cette nation de serfs ? Le temps seul nous le dira. L’enfantement sera douloureux peut-être ; mais le résultat est assuré. À dater de ce jour, la Russie se réconcilie véritablement avec la civilisation, et il est impossible que, dans cette victoire de la liberté et de la dignité humaine, elle ne trouve point des garanties durables de prospérité pour ses peuples et l’accomplissement de ses grandes destinées.

La diplomatie entre en vacances ; les résultats de la conférence de Paris, que nous indiquions il y a quinze jours, ne tarderont point sans doute à être officiellement révélés au public. Pas d’incidens nouveaux du côté de l’Orient. Il n’y a plus que cette chicanière et entêtée confédération germanique qui ne veuille point goûter du repos général. Elle n’a point terminé encore sa querelle avec le Danemark. C’est sous l’influence de l’Allemagne que le Danemark paraît avoir étendu aux deux duchés la constitution commune, et c’est la confédération qui lui impose aujourd’hui l’obligation de ramener les duchés sous une constitution particulière. Il reste encore, pour mettre en pratique la concession à laquelle le Danemark a le bon sens de se résigner, des détails d’exécution à régler sur lesquels la diète fera bien de se montrer moins exigente. Il faut en effet que la diète prenne garde de ne point trop multiplier ses ingérences. La Hollande, à propos du Limbourg, se trouve dans une position à peu près semblable à celle du Danemark par rapport aux duchés. La Hollande s’émeut de ce qui se passe pour le Danemark, elle craint que les tracasseries de la confédération n’arrivent jusqu’à elle. Nous ne conseillerions point à l’Allemagne de justifier cette crainte. Le Limbourg est très heureux d’être représenté dans les chambres hollandaises, et ce serait une prétention par trop révoltante que de vouloir le faire rétrograder vers ces constitutions locales tant aimées par le parti des hobereaux allemands.

Tandis que nous inaugurions à Cherbourg un monument du génie et de la puissance militaire de la France, l’industrie et l’esprit d’entreprise accomplissaient sur l’Océan un de leurs plus merveilleux exploits. Le câble transatlantique était posé. C’est dans la rade de Cherbourg, à bord du Pera, au milieu des détonations de l’artillerie, que les membres de la chambre des communes ont appris ce grand événement. Si en ce moment quelque membre du parlement anglais avait conservé des sentimens d’amère jalousie à l’égard de nos travaux de Cherbourg, nous convenons qu’une nouvelle comme celle-là était bien faite pour consoler son amour-propre national. C’est aux victoires pacifiques et aux prodigieux miracles de l’industrie qu’appartiennent aujourd’hui la vraie grandeur et la vraie gloire. e. forcade.