de laisser aux personnages qui vont les couronner les soucis des luttes politiques, c’est donner un avis aussi sage qu’opportun, et qui ne court point risque d’être désobéi. Se plaindre devant les lauréats du thème et des vers latins de l’injustice des partis et même de leurs épigrammes, c’est admirablement choisir son auditoire et s’assurer de bien consolantes sympathies. Les élèves de seconde savent que Mazarin permettait à ses ennemis de le chansonner ; nous, les puissans du jour, nous ne pouvons supporter les épigrammes ! Mais de quelles épigrammes et de quels partis veut-on parler ? Il y a eu des hommes en France qui ont eu le malheur de venir au monde avant 1848 ; ils avaient commis la faute de s’imprégner de ces fortes idées du droit dont la révolution française leur avait promis le glorieux triomphe, et de s’éprendre de ces libertés publiques qui confèrent à chacun également le droit, le devoir et la responsabilité de participer au gouvernement du pays ; ils sont coupables du crime de n’avoir point scindé leur vie, et de. ne s’être point laissé ballotter par le flot-changeant des événemens. Est-ce leur constance qui serait une épigramme ? Si les jeunes écoliers confidens de plaintes si éloquentes ont traduit avec profit leur de Viris, ils doivent avoir appris à admirer cette constance comme une vertu, et s’apprêter à l’imiter lorsque l’âge leur imposera ces devoirs de citoyens français et d’hommes du XIXe siècle dont nous espérons qu’on saura leur parler plus tard avec la dignité et la fierté convenables.
C’est une douleur pour nous de comparer cette susceptibilité maladive de quelques-uns de nos compatriotes à l’endroit des luttes politiques avec la mâle générosité que le peuple anglais apporte dans la vie publique. Le ministère de lord Derby, qui vient de clore la session de 1858 par un discours empreint d’un remarquable libéralisme, éprouve en ce moment les effets de cette justice politique qui sied si bien à une société libre. Certes la polémique des partis est ardente en Angleterre, elle s’emporte quelquefois jusqu’à des extrémités sauvages ; mais on n’entend jamais les robustes hommes d’état anglais se plaindre des fatigues de cette violente émulation et de cette noble guerre dont le bien et le progrès du pays sont l’objet et la fin. Aussi l’opinion, fortifiée par leur vaillante bonne humeur, finit-elle toujours par récompenser leurs efforts. C’est ce qui arrive en ce moment pour le ministère de lord Derby. Les organes de l’opinion qui l’avaient le plus maltraité pendant les luttes de la session s’accordent maintenant, après le combat, à reconnaître le mérite dont il a fait preuve dans la difficile conduite des affaires de l’Angleterre, et à lui tenir compte des qualités d’application et de persévérance à l’aide desquelles il est venu à bout de tant d’obstacles.
L’histoire du ministère Derby durant la session qui vient de finir peut se diviser en deux parties : le tableau de sa politique intérieure, et celui de sa politique extérieure. C’était dans la politique intérieure que dès son origine son existence paraissait devoir être promptement compromise. Il ne pouvait disposer que de deux cents voix assurées, celles du parti conservateur, dans la chambre des communes ; c’était avec cette minorité qu’il devait faire face à lord Palmerston sur des questions aussi difficiles que celles qui pouvaient naître de la conduite des affaires de l’Inde et de la reconstitution du gouvernement de cette immense colonie en révolution. Il a fallu une grande