Page:Revue des Deux Mondes - 1858 - tome 16.djvu/959

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

ouvrage. Ce gouvernement a consacré 40,656,000 francs aux travaux hydrauliques et 8,468,000 aux fortifications de Cherbourg, ce qui fait en tout plus de 49 millions. De bonne foi, les Anglais peuvent-ils croire qu’il fallait laisser inachevés de pareils travaux et se perdre stérilement une pareille mise de fonds? Peuvent-ils blâmer le gouvernement actuel d’avoir ajouté à ces dépenses les 25 millions qui étaient nécessaires pour compléter un établissement de cette importance? En vérité, cela n’est point sérieux, et le sens pratique du peuple anglais fera promptement justice des absurdes déclamations auxquelles ce prétendu grief a donné lieu.

Personne ne nous saura mauvais gré d’avoir rendu au gouvernement du roi Louis-Philippe la justice à laquelle il avait droit, en précisant la part considérable qui lui revient dans l’achèvement de Cherbourg. Nous avons jugé nécessaire de citer les chiffres mêmes qui expriment l’importance du concours que le roi Louis-Philippe a prêté à cette œuvre nationale, car nombre de gens, trompés par le silence unanimement observé à cet égard, se figurent que les travaux de Cherbourg ont été interrompus sous le gouvernement libéral fondé par la révolution de juillet. Dans tous les cas, nous espérons nous faire pardonner cette digression en la complétant par une légère observation relative à Napoléon. La pierre placée au fond de l’arrière-bassin qui vient d’être immergé porte l’inscription suivante : « Ce bassin, décrété le 15 avril 1803 par Napoléon Ier a été commencé le 28 juin 1836, et a été inauguré le 7 août 1858 en présence de l’empereur Napoléon III et de l’impératrice Eugénie. » N’eût-il pas mieux valu désigner Napoléon par le titre qu’il portait en 1803? La France était alors sous le consulat, que l’histoire regarde avec raison comme l’époque la plus glorieuse de la carrière de ce grand homme? Mais revenons aux Anglais.

Ils formaient assurément la portion de la foule qui encombrait Cherbourg la plus intéressante à observer, celle dont on eût été le plus curieux d’étudier les impressions. Nous avons dit qu’ils affluaient : on estime à deux ou trois cents le nombre des yachts particuliers qui étaient venus entourer spontanément la reine d’un cortège à la fois distingué et populaire, et l’on était forcé de convenir, à côté des grands vaisseaux des escadres, qui tiennent de leur destination un caractère de solennité quelque peu rébarbative, que c’était surtout à ce rassemblement d’embarcations particulières que l’appareil de la rade devait cet air d’expansion facile et réjouissante qu’on aime à trouver dans une fête. Le Pera, un des plus beaux steamers de la Compagnie péninsulaire et orientale, avait été mis par cette compagnie à la disposition des membres de la chambre des communes, et en avait amené une centaine, parmi lesquels figuraient bon nombre d’illustrations parlementaires. Nous avons remarqué, entre autres, sir Charles Napier, cet énergique et singulier vieillard, qui a assisté en uniforme d’amiral, et le chapeau campé à la Nelson, comme un jour de bataille, à l’immersion du bassin. Nous avons également remarqué le général sir W. Williams of Kars, l’illustre défenseur de Kars dans la guerre d’Orient. M. Roebuck était venu, et l’on nous assure, ce que nous n’avons point vérifié, que lord John Russell était aussi présent. Notre opinion est que les excursionistes du parlement et que les touristes politiques ont dû rapporter de Cherbourg des sentimens