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portantes industries qui s’exercent chez nous sur les débris et portions non comestibles des animaux, industries qui toutes réclament cet accroissement dans les quantités de leurs matières premières[1].

En France comme en Algérie, la récolte des fourrages est, à juste titre, l’objet des plus vives préoccupations. La sécheresse exceptionnelle qui a régné pendant les six premiers mois de l’année 1858 a suspendu la végétation des plantes herbacées au printemps, et tellement réduit en général les productions des prés naturels et des prairies artificielles, qu’à peine a-t-on obtenu le tiers des récoltes ordinaires[2]. Déjà les agriculteurs s’ingénient à trouver de nouvelles ressources, en utilisant mieux la part de fourrages qui doit leur advenir, ainsi que certains débris des récoltes naguère négligés. Ils réussiront sans doute à combler ou à diminuer le déficit en associant les menues pailles, les fanes et siliques hachées, les feuilles et rameaux, tendres de certains arbres ou arbustes, aux tubercules aqueux et aux résidus des distilleries, en favorisant par la coction l’assimilation des parties les plus résistantes des tiges coupées menu de mais, de colza, de fèves, etc. Ils s’empresseront de mettre à grand profit le retour des journées pluvieuses pour labourer leurs champs aussitôt après la moisson, les emblaver à l’aide de diverses plantes fourragères et obtenir vers la fin de l’automne les produits de ce qu’on nomme les cultures dérobées (navets, turneps, etc.). Enfin ils ne manqueront pas de bien préparer les cultures automnales qui devront produire les fourrages hâtifs du printemps[3]. Il y va pour chacun d’un pressant intérêt individuel, et pour tous d’un grand intérêt général, dont il est toujours honorable et souvent aussi très avantageux de se préoccuper.

  1. Nous avons reçu de l’Algérie, pendant l’année 1856, une quantité de peaux brutes et de laine représentant une valeur qui dépasse 6,000,000 de kilos déjà ; des quantités plus grandes, pour une valeur plus considérable encore, nous sont venues des états barbaresques.
  2. Le prix de l’avoine notamment se maintiendra fort élevé jusqu’à la récolte de l’année 1859, et malheureusement tous les essais entrepris en vue d’y substituer d’autres grains moins dispendieux dans la ration alimentaire des chevaux n’ont eu, sous notre climat, que d’assez insignifians résultats. On est seulement parvenu à remplacer la moitié de la ration d’avoine par un poids égal d’orge, et l’on a pu éviter la déperdition d’une grande partie des grains de cette dernière céréale qui échappaient à la dent des animaux, en la laissant tremper dans l’eau pendant vingt-quatre heures, avant de la réunir à la demi-ration d’avoine. Les agriculteurs anglais ont obtenu des résultats plus satisfaisans dans la nourriture et même l’engraissement des animaux en laissant l’orge ainsi humectée en tas jusqu’à ce que le commencement de la germination s’y manifestât à l’un des bouts du grain par un point blanchâtre, annonçant les premiers développemens de la radicule.
  3. Relativement aux détails de ces diverses cultures et à l’énumération complète des plantes qui les composent, on pourra consulter avec fruit la publication toute récente faite par la Société centrale d’agriculture d’une notice de M. Bailly, son correspondant