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propriétés caractéristiques ne se développent que dans des conditions particulières de température moyenne, de composition du sol et d’exposition. Sous des climats plus chauds, parfois plus humides, excitant une végétation plus vigoureuse, une maturité plus prompte, les sources diverses des arômes semblent perdre en suavité ce qu’elles gagnent en force. En France même, il est certaines localités agricoles où l’on remarque des différences notables relativement à la délicatesse des arômes qui s’y développent. Ainsi on obtient des eaux de rose et de fleurs d’oranger plus suaves en distillant les fleurs récoltées aux environs de Paris qu’en traitant avec les mêmes soins les produits des cultures de nos contrées méridionales. Les différences sont encore plus prononcées entre celles-ci et les régions plus chaudes de la Turquie, où l’abondance des sécrétions aromatiques est telle cependant que l’on peut aisément obtenir l’essence des pétales de roses en proportions que l’on ne saurait atteindre en Provence, et à bien plus forte raison dans le département de la Seine. On le voit, la France, si heureusement douée d’un climat favorable aux productions pouvant satisfaire toutes les exigences du goût le plus délicat, possède des élémens naturels d’échanges internationaux qu’aucune industrie rivale ne saurait lui ravir. C’est à l’agriculture et au commerce qu’il appartient d’en tirer tout le parti possible[1], et on est encore loin, sous ce rapport, d’avoir réalisé tout ce que le pays est en droit d’attendre.

N’y a-t-il point encore lieu d’espérer que l’Algérie pourra doter la France de quelques richesses nouvelles tirées du règne animal? Nous n’avons cependant à noter sur ce nouveau terrain d’expériences qu’un seul essai remarquable, dû à l’initiative de l’habile et actif directeur de la pépinière centrale d’Alger. Par trois expériences nettes et précises, M. Hardy a pu constater la possibilité d’obtenir dans les conditions d’une domestication intelligente et soignée la reproduction du plus grand des oiseaux qui vivent au

  1. Au nombre des applications peu remarquées des huiles d’olive en Algérie, nous pouvons citer ici, sans sortir de notre sujet, la conservation économique des viandes. La méthode algérienne, recommandable surtout au point de vue de la simplicité, consiste à soumettre la chair comestible des animaux récemment abattus et immédiatement dépecés à la température d’un bain d’huile élevée au-delà de 100 degrés, qui suffit pour coaguler les fermens, expulser l’air et vaporiser une partie de l’eau que les tissus animaux contiennent. La substance alimentaire, maintenue ensuite dans des vases clos, est défendue par l’huile interposée et surnageante du contact de l’air et de l’humidité, qui pourraient déterminer des altérations ultérieures, et lorsqu’on veut en faire usage, l’huile qui l’accompagne entre dans la préparation des mets et se trouve ainsi convenablement utilisée. — Un jour viendra, un jour prochain peut-être, où la production animale, plus développée dans notre colonie, pourra subvenir pour une proportion notable à l’accroissement graduel de notre consommation en France, et alors les différens procédés de conservation y joueront un rôle important.