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çons de gros tubercules, d’obtenir en une seule année des rhizomes assez volumineux pour être livrés directement à la consommation, et ayant assez peu profondément pénétré dans le sol pour que l’arrachage n’en fût plus un obstacle à la récolte économique. L’igname de Chine cultivée dans notre colonie offre en outre l’avantage notable d’être plus riche en substance nutritive que la même variété cultivée en France dans les meilleures conditions.

La plupart des autres espèces ou variétés d’igname envoyées d’Algérie à l’exposition de mai 1858 contenaient encore plus de substance nutritive que l’igname de Chine; mais le tissu, plus résistant, en faisait un aliment moins agréable. L’une de ces espèces (dioscorea triphylla) présente même l’inconvénient plus grave d’une àcreté très prononcée dans ses tubercules. On peut néanmoins utiliser encore ces végétaux par l’extraction économique d’une fécule qui réunit toutes les qualités comestibles recherchées dans les fécules exotiques. Il y a donc lieu en définitive d’applaudir aux efforts tentés par M. Hardy pour propager la culture des ignames sur le sol algérien.

A côté de l’igname, la batate douce (convolvulus batalas) était représentée à l’exposition de cette année par un grand nombre de tubercules des trois variétés, rouge, jaune, blanche, venus de l’Algérie. Une telle abondance de spécimens prouvait clairement que la batate douce figure au nombre des objets de consommation usuelle dans notre colonie. On se demandait, à voir ces plantes si bien conservées, ces volumineuses racines tuberculeuses, si un végétal qui joue un rôle si important dans les cultures algériennes ne pourrait être utilement appliqué à l’alimentation de la France. Les bâtâtes sont cultivées avec succès dans les diverses contrées chaudes du globe, et y forment avec les ignames la base de la nourriture des populations. On en consomme de grandes quantités aux États-Unis d’Amérique. On peut obtenir même sous le climat de Paris des récoltes assez abondantes de ces tubercules, notamment de la variété blanche dite batate-igname, à l’aide d’une culture spéciale[1] recommandée par le célèbre horticulteur Poiteau, et mise en pratique sur de grandes étendues de terre par M. Auguste de Gasparin, qui est ainsi parvenu à récolter jusqu’à cent mille kilos de batates-ignames sur un hectare. Les bâtâtes d’Alger, des trois variétés, ont été reconnues sensiblement supérieures aux produits similaires de nos cultures du centre de la France par l’abondance des principes immédiats, fécule, sucre, substances azotées grasses et salines,

  1. Ce procédé, remarquable par sa simplicité non moins que par ses résultats, consiste à planter les tubercules reproducteurs dans de petites fosses à parois bien battues qui empêchent les racines volumineuses de s’étendre au loin, rassemblent les produits, augmentent et facilitent la récolte.