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disséminés sur une étendue égale aux trois quarts de la surface de la France[1]. Chacun prévoyait de nombreux et périlleux combats, d’énormes dépenses, et pour beaucoup d’esprits positifs tant de sacrifices d’hommes et d’argent devaient rester sans compensations suffisantes.

Aujourd’hui l’expérience a répondu : si les sacrifices ont été considérables comme on le prévoyait, les compensations sont enfin venues et n’ont pas trompé l’attente de ceux qui avaient foi dans les persévérans efforts de la France. Une période de lutte dont nous n’avons point à évoquer ici les glorieux souvenirs a été suivie d’une ère de pacification qui, à peine commencée, s’annonce déjà d’une façon brillante. Les succès déjà obtenus se maintiendront-ils ? Les cultures, les applications essayées en Algérie se développeront-elles ? Répondre à ces questions, ce ne sera pas seulement montrer les progrès du travail agricole dans notre colonie, mais donner plus d’une indication utile sur les besoins et les ressources de l’alimentation publique en général.

Le cadre d’une semblable étude est tout tracé. On doit tenir compte d’abord des conditions climatériques au milieu desquelles s’obtiennent les produits algériens. Il y a ensuite à classer, à énumérer ces produits, en nous plaçant au point de vue des populations de nos grandes villes, dont ils peuvent faciliter et varier l’alimentation. Les conditions propres au climat de l’Afrique septentrionale sont connues. Dans la province d’Alger, grâce à une température suffisamment humide et à l’influence bienfaisante de la mer, on cultive à la fois, avec les diverses plantes du centre et du nord de la France, les végétaux de l’Europe méridionale et en partie ceux des régions intertropicales[2]. La zone saharienne, placée dans des conditions moins favorables, se prête, elle aussi cependant, à diverses applications utiles de l’industrie agricole, et se distingue par des productions spéciales, qui pourront faciliter des relations de plus en plus désirables entre le monde africain et l’Europe. Le meilleur moyen pourtant de faire ressortir les avantages d’un climat qui admet les cultures les plus variées, c’est d’examiner les divers produits du sol algérien tels qu’on les a vus figurer à l’exposition d’horticulture de mai 1858, en commençant par les produits de la

  1. La surface de la France est de 530,402 kilomètres carrés, celle de l’Algérie de 390,000 kilomètres. La population indigène, qui a peu varié, comprend 2,200,000 individus. Le nombre des Européens, qui était de 602 en 1830, de 3,228 en 1840, et de 125,963 en 1850, s’élevait en 1850 à 167,635, y compris 100,400 Français, ou moins d’un vingtième de la population totale.
  2. D’après les observations faites au Hamma par un de nos agronomes pendant l’hiver de décembre 1857 à mars 1858 inclusivement, les températures moyennes ont oscillé entre + 14° et + 10°, 3.