Page:Revue des Deux Mondes - 1858 - tome 16.djvu/936

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

sances occidentales, il aurait vu l’Allemagne entraînée vers le parti contraire et aurait été sommé d’envoyer son contingent holsteinois à l’armée fédérale? Il aurait pu se rencontrer tel engagement dans la campagne où les troupes du roi de Danemark se seraient battues contre les soldats du même roi de Danemark, duc de Holstein et de Lauenbourg, et ce serait une erreur de croire que la prévision d’un tel embarras ou simplement la complication de ces liens bizarres n’a été pour rien dans l’hésitation qui a retenu en 1855 le Danemark, et l’a empêché de se joindre au traité du 21 novembre. La seule issue, quand la confédération germanique soulève un débat pareil à celui dont la constitution du Holstein est aujourd’hui et dont celle du Limbourg peut être demain l’objet, n’est-ce pas de s’opposer décidément, en faisant tout au monde pour avoir avec soi l’Europe comme témoin et garant d’une juste cause, à la moindre intervention de l’Allemagne hors des limites de la province où elle a quelque entrée légitime, et, si cette opposition n’est pas possible, d’entrer franchement dans le projet d’un partage des provinces, de telle sorte que la province faisant partie de la confédération germanique ne soit pas une attache indissoluble rivant à l’Allemagne pour toujours, privées de leur liberté d’action, des monarchies indépendantes et souveraines en droit? C’est ce qu’on demande pour le Danemark dans ses rapports avec le Holstein; c’est ce que le système du heetstat empêchera de réaliser tant qu’il subsistera, au grand détriment de la monarchie danoise, qu’il entraîne à sa ruine.

Le Danemark et son roi, secondés par des ministres fort habiles, ont eu pendant toute cette dernière crise le sentiment très précis et la vue très nette du péril qui les menaçait, et tout le Nord a compris que ce péril lui était commun. S’il est clair qu’une fois le Slesvig détaché de la monarchie et rattaché à l’Allemagne, le Danemark, réduit au Jutland et aux îles, n’est plus rien, il est bien entendu aussi qu’une fois l’influence allemande maîtresse à Copenhague, la Baltique cessera d’être une mer Scandinave, et Stockholm elle-même n’aura plus d’avant-poste au midi. Or n’est-ce pas assez d’avoir permis à la Prusse d’ouvrir sur la Mer du Nord un port si important à l’embouchure de la Jadde? N’est-ce point assez d’avoir jeté à la mer les clés du Sund, et serait-il prudent de livrer une de ses rives, c’est-à-dire en effet une des portes de la Baltique, à l’Allemagne?

Le meilleur moyen d’éviter ces périls, nous le connaissons bien : ce serait assurément qu’indépendamment de l’intervention étrangère le Nord fût capable de faire ses affaires lui-même. Le Danemark devrait rencontrer dans les autres peuples scandinaves un suffisant appui. L’œuvre est à moitié faite. Si une armée fédérale eût occupé les duchés allemands et ensuite mis le pied en Slesvig, c’est-à-dire si