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surtout les vieilles inscriptions runiques rendues chaque jour encore par ce sol antique à la lumière; ajoutez les témoignages des historiens parmi les Allemands eux-mêmes et l’assentiment non équivoque des anciens monumens législatifs que nous avons conservés; ajoutez enfin, pour dernier trait plus concluant encore, les traces actuellement subsistantes des anciens codes scandinaves dans ce Slesvig méridional, que l’influence allemande paraissait avoir assez complètement envahi pour autoriser les prétentions de l’Allemagne à réclamer comme sien tout le pays usurpé. La loi jutlandaise du roi Valdemar, toute scandinave incontestablement, est restée jusque dans le cours du XVIIIe siècle la loi prédominante au sud du Slesvig, et certaines dispositions en sont encore observées de nos jours. Suivant l’usage de l’ancien droit scandinave, on a continué jusqu’au XVIIe siècle à pratiquer, dans les cas de meurtre, la compensation et la réconciliation, à adopter selon certaines formules les enfans naturels, etc. Outre ces vestiges de coutumes générales, il faut mentionner les privilèges de villes et de corporations concédés par des rois de Danemark, comme Christian III, Frédéric II et Christian IV, les dispositions du code maritime de Christian V, les libertés du paysan danois, étouffées plus tard par la tyrannie de la féodalité allemande, enfin les droits et usages particuliers aux Frisons et aux Saxons faisant partie du duché. Eidersted, Husum et Frederikstad sont les seules villes du Slesvig méridional qui n’aient conservé dans les temps modernes aucune trace de ces anciennes législations toutes nationales. En ce qui touche la langue parlée, les concessions impolitiques des souverains du Danemark autorisèrent, il est vrai, peu à peu l’usage de l’allemand dans les cours judiciaires de tout le duché de Slesvig, et quand le cri de l’opinion publique eut obtenu de Christian VIII, prédécesseur du prince aujourd’hui régnant, le rétablissement légal de la langue danoise dans les tribunaux, l’Allemagne fit éclater son indignation. L’on vit même un jurisconsulte éminent et respecté, mais aveuglé par son ardeur slesvig-holsteinoise, réclamer, au milieu du XIXe siècle, l’emploi du latin