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piège. On a vu quel coup l’organisation nouvelle portait aux institutions libres issues en 1849; qu’on songe de plus au danger que recelaient les dernières conditions que nous venons d’énumérer. La guerre contre l’Allemagne se terminait à peine. Les Danois avaient versé beaucoup de sang et multiplié d’héroïques efforts pour mettre à néant le slesvig-holsteinisme, c’est-à-dire l’union illégitime et factieuse des deux duchés, provoquée, soutenue par l’Allemagne avant et pendant la guerre. Or cette similitude d’institutions imposées au Slesvig et au Holstein n’avait d’autre but que de ressusciter une alliance promettant à l’Allemagne la réalisation de ses projets d’envahissement sur le Slesvig. Le Danemark, vainqueur les armes à la main sur mer et sur terre, à Fredericia et à Idstedt, était battu dans les conseils et traqué désormais d’une manière permanente au nord et au sud, dans sa capitale aussi bien que dans ses annexes. L’ennemi, chassé des champs de bataille, était revenu sous l’habit du diplomate; il avait pris position partout à l’intérieur, et voilà l’intégrité de la monarchie danoise telle que l’Europe l’avait garantie!

Les résultats ne se sont pas fait attendre, et quelle patience le Danemark n’a-t-il point montrée pendant qu’on le harcelait sans cesse du côté de l’Allemagne par mille injustes requêtes, en présence desquelles il temporisait afin de permettre aux grandes puissances de s’éclairer, de comprendre et d’intervenir selon ce que demandaient et la justice de sa cause et leurs propres intérêts à elles-mêmes? Tant que l’Allemagne n’a parlé que des droits du Holstein et du Lauenbourg, qui font partie de la confédération germanique, tant qu’elle n’a fait que demander pour ces duchés encore de nouvelles satisfactions, encore de nouveaux privilèges, le Danemark a cédé, et la question a pu paraître purement allemande; mais ne devenait-elle pas européenne quand la confédération exigeait, comme elle le faisait hier, que le Danemark soumît sa constitution commune, celle qui fait de lui après tout une monarchie souveraine, aux délibérations des états provinciaux de deux duchés allemands? L’Allemagne, par l’entremise funeste de ces deux duchés, pouvait donc exercer un droit d’approbation ou de blâme sur la loi fondamentale d’un pays souverain de l’Europe. Elle prétendait au privilège de modifier au gré de ses vœux cette loi fondamentale. Était-ce encore la querelle particulière des duchés et du Danemark propre, ou n’était-ce pas désormais la lutte entre l’Allemagne envahissante et l’un des trois états scandinaves? Nous n’avons pas dit assurément bien d’autres dangers encore auxquels le système funeste et d’ailleurs impraticable du heelstat expose le Danemark et tout le Nord; nous n’avons rien dit des droits de la Russie, valables après la mort ou la retraite du duc de Glucksbourg et de ses deux