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lui conserver son héritage. Elle-même d’ailleurs, en cessant d’être tyrannique pour les consciences, est devenue, dans sa constitution intérieure, plus indépendante de l’état. Le gouvernement a cessé d’imposer arbitrairement certains prêtres aux paroisses, et les élections sont devenues plus libres et plus sincères. Les témoignages de reconnaissance de l’église envers l’état, qui s’est désisté de son intervention despotique, se sont manifestés clairement dans le congrès ecclésiastique réuni à Copenhague pendant l’été de 1857; le Danemark a offert un champ moins favorable que la Suède et la Norvège aux prédications des mormons, à celles des fanatiques ou des imposteurs, et, en dépit des attaques de Kierkegaard, à côté de la communion catholique, protégée dans Copenhague en même temps par la tolérance légale et par celle de l’esprit public, l’église danoise est restée en possession du repos et de la considération qui se sont retirés de l’église de Suède.


L’église de Suède (sur le compte de laquelle nous ne répéterons pas tout ce qu’on en a dit et écrit depuis quelques années avec trop de raison et d’à-propos pour son honneur) n’a pas écouté les avis, — c’est trop peu dire, — les exhortations, les prières des autres églises protestantes, ses sœurs. Peut-être n’imagine-t-on pas en France combien d’avertissemens et quelles sortes d’avertissemens elle a reçus.

En 1853, — pour ne pas remonter au-delà des quatre ou cinq dernières années, — supplique des membres de l’Alliance évangélique à Lausanne, « en faveur de frères, est-il dit, qui en pays protestant sont frappés d’amendes pécuniaires et mis en prison, au pain et à l’eau, uniquement parce qu’ils veulent servir Dieu selon leur conscience. »

Au mois de septembre 1855 se réunit à Paris, comme en 1851 à Londres, un congrès composé de tous les députés des principales communions protestantes. Chacun rend compte de l’état religieux de son église. Le tour venu d’interroger la Suède, les questions deviennent embarrassantes et pressantes. Un membre demande aux représentans suédois si Luther lui-même, revenant sur la terre, ne serait pas emprisonné et mis au pain et à l’eau de par la législation qui règne aujourd’hui à Stockholm. Le célèbre pasteur allemand Krummacher exprime la crainte que le bel édifice de l’église suédoise, avec sa complète orthodoxie, ne soit qu’un majestueux palais de glace, sans lumière qui lui soit propre, sans feu et sans chaleur. M. Frédéric Monod ensuite, en présence des trois ministres suédois, qui ne se défendent qu’en balbutiant, exprime de semblables reproches, et termine sa harangue par cette imprécation :