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s’accordent pas avec ce principe, elles doivent donc être modifiées. Se conformant à l’esprit du christianisme et à celui de sa propre constitution politique, la Norvège doit accorder une situation plus digne aux communions chrétiennes dont la foi ne porte aucune atteinte à la moralité publique. Il n’importe pas de rechercher si l’unité de l’état au point de vue ecclésiastique sera par là ébranlée ou détruite. On ne peut mettre en effet un grand prix à une telle unité extérieure, ayant pour unique lien la contrainte; on ne peut oublier que ce serait une entreprise vaine de chercher à réaliser par la force extérieure l’unité intérieure de la foi, et l’histoire démontre que la persécution et le martyre ont toujours contribué à affermir et propager les opinions des sectes naissantes. » Le roi lui-même, en présentant le projet, s’exprimait ainsi : «Il est tout à fait conforme à l’esprit de la constitution norvégienne, aux idées de notre temps sur la tolérance, et aux circonstances locales, d’accorder la liberté religieuse à chaque communion comme à chaque individu. » Enfin, pour mieux signaler l’accord, citons le rapport rédigé par la commission du storthing chargée d’examiner la proposition royale : « Il serait indigne de la libre Norvège de laisser peser plus longtemps les liens de la contrainte sur ce qu’il y a de plus libre par soi-même et de plus précieux à l’homme, la pensée religieuse, et il n’est pas un Norvégien qui ne rougirait de honte à l’idée que sa patrie pût être comptée plus longtemps au nombre des états qui conservent dans leurs institutions l’oppression de la conscience humaine.» Voilà par suite de quelle entente unanime dans la voie de la tolérance et du progrès le storthing adopta la proposition royale à une immense majorité, et comment la Norvège obtint, au mois de juillet 1845, date de la sanction royale, sa loi des dissidens[1].

Ce n’était pas encore, il faut le reconnaître, une loi de complète liberté. L’église d’état subsistait, le prosélytisme était défendu (disposition inintelligente et, peu s’en faut, ridicule), et le droit légal n’était proclamé d’ailleurs que pour les communions chrétiennes; les israélites en étaient exclus; il leur fut interdit jusqu’en 1851 de résider seulement vingt-quatre heures de suite dans une ville de Norvège. Tout étroites qu’elles étaient, ces concessions suffirent pour que l’air nécessaire à la vie circulât. Grâce à la liberté qu’on leur laissa de se produire, les sectes religieuses ne furent plus à craindre. Il y eut bien encore des agitations extérieures; mais la plupart étaient toutes locales et trop déraisonnables pour exercer une contagion, et si quelques-unes étaient vraiment sérieuses, l’é-

  1. On en a donné les dispositions dans l’Annuaire des Deux Mondes de 1853-54, p. 405.