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ment communiqué à l’espèce humaine. Par ces raisons et d’autres de poids égal, les éolistes affirmaient que le don de roter (belching) est l’acte le plus noble de la créature raisonnable. C’est pourquoi on voyait souvent plusieurs centaines de leurs prêtres attachés les uns aux autres en façon de chaîne circulaire, chacun tenant un soufflet qu’il appliquait à la culotte de son voisin, expédient par lequel ils se gonflaient les uns les autres jusqu’à prendre la forme et la grosseur d’un tonneau, et pour cette raison ils appelaient ordinairement leurs corps d’une façon très exacte « les vaisseaux du Seigneur. » Et afin de rendre la chose plus complète, comme le souffle de la vie de l’homme est dans ses narines, ils faisaient passer les belchs les plus choisis, les plus édifians et les plus vivifians par cet orifice, pour leur en donner la teinture, comme ils passaient[1]. »

Après cette explication de la théologie, des querelles religieuses et de l’inspiration mystique, que reste-t-il, même à l’église anglicane? Elle est un manteau raisonnable, utile, politique, mais quoi d’autre? Comme une brosse trop forte, la bouffonnerie a emporté l’étoffe avec la tache. Swift a éteint un incendie, je le veux, mais comme Gulliver à Lilliput : les gens sauvés par lui restent suffoqués de leur délivrance, et le critique a besoin de se boucher le nez pour admirer la juste application du liquide et l’énergie de l’instrument libérateur.

La religion noyée, il se tourne contre la science : les digressions dont il coupe son conte pour contrefaire et railler les savans modernes sont attachées à ce conte par le lien le plus étroit. Le livre s’ouvre par des introductions, préfaces, dédicaces et autres appendices ordinairement employés pour grossir les livres, caricatures violentes accumulées contre la vanité et le bavardage des auteurs, il se dit de leur compagnie, et annonce leurs découvertes. Admirables découvertes! Le premier de leurs commentaires sera sur « Tom Pouce[2], dont l’auteur était un philosophe pythagoricien. Ce profond traité contient tout le système de la métempsychose, et développe l’histoire de l’âme à travers tous ses états. — Whillington et son chat est une œuvre de ce mystérieux Rabbi Jehuda Hannasi, contenant une défense de la Gémara de la Misna Hiérosoly mitaine, elles raisons qui doivent la faire préférer à celle de Babylone, contrairement à l’opinion reçue. » Lui-même avertit qu’il va publier « une histoire générale des oreilles, un panégyrique du nombre trois, une humble défense des procédés de la canaille dans tous les siècles, un essai critique sur l’art de brailler cagotement, considéré aux points de vue philosophique, physique et musical, » et il engage les lecteurs à lui arracher par leurs sollicitations ces inestimables

  1. Allusions aux assemblées des puritains, à leur prononciation nasale, etc.
  2. Petit livre à l’usage des enfans, ainsi que Whittington et son chat, nommé plus loin.