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L’HOMME DE NEIGE

troisième partie.[1]

V.

Il était déjà huit heures du matin quand M. Goefle s’éveilla. Il n’avait probablement pas dormi aussi bien qu’à l’ordinaire, car il était fort matinal, et il se scandalisa de lui-même en se surprenant si tard au lit. Il est vrai qu’il avait compté sur le petit Nils pour l’éveiller ; mais Nils dormait à pleins yeux, et M. Goefle, après de vaines tentatives pour lui faire entendre raison, prit le parti de le laisser ronfler tant qu’il voudrait. Il n’y avait plus d’humeur dans le fait du docteur en droit, mais une désespérance complète à l’égard du service sur lequel il pouvait compter de la part de son valet de chambre. En homme résigné, il ralluma son feu lui-même, puis, en homme méthodique et à la lueur d’une bougie qui semblait dormir debout, il fit sa barbe et peigna sa perruque aussi soigneusement et aussi merveilleusement bien que s’il eût eu toutes ses aises. Enfin, sa toilette du matin étant terminée de manière à lui permettre de n’avoir plus qu’un habit à passer en cas de besoin, il remonta sa montre, regarda le ciel, où ne se montrait pas encore la moindre lueur du matin, endossa sa robe de chambre, et, ouvrant ses deux portes, il se mit en devoir d’aller tout préparer dans son salon (la chambre de l’ourse) pour travailler chaudement et tranquillement jusqu’à l’heure du déjeuner.

  1. Voyez la Revue du 1er et du 15 juin.