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Il était naturel aussi que les possessions de Molhar-Rao-Holkar se fussent accrues considérablement dans le Malwa et dans le Dekkan. Son contingent se trouvait fixé à quinze mille cavaliers, pour l’entretien desquels il percevait un revenu de 70 lakhs de roupies[1]. Avec cette petite armée, il se porta au secours du vizir Safdâr-Djang, qui, déjà battu et incapable de tenir la campagne, appelait les Mahrattes dans le royaume d’Oude, envahi par les Rohillas. Ces cavaliers indisciplinés avaient pris l’habitude de faire chaque année des incursions sur le territoire de l’empire. Sortis du Kaboul au commencement du XVIIIe siècle, les Rohillas, qui s’adonnaient à la fois à l’agriculture et à la profession des armes, formaient plusieurs tribus, gouvernées par des chefs particuliers et ne se réunissant que lorsqu’il s’agissait d’un intérêt commun. Plus robustes et moins noirs de teint que les autres races établies dans l’Hindostan, ils s’étaient rendus redoutables par leur impétuosité dans l’attaque et par la férocité de leur caractère. Un zemindar de Gorackpour[2], — district de la province d’Oude adossé aux montagnes du Népal, — les avait pris d’abord à sa solde et les lançait sur les pays voisins qu’ils mettaient au pillage. Molhar-Rao-Holkar, n’ayant pas assez de troupes pour attaquer ces bandits en rase campagne, eut recours à la ruse. Après avoir reconnu le camp de ses ennemis, le chef mahratte fit halte jusqu’à ce que la nuit fût venue. Poussant alors dans diverses directions des milliers de bœufs aux cornes desquels brillaient des torches allumées, il se précipita à l’assaut du camp par un autre côté, et les Rohillas, qui se croyaient assaillis et enveloppés par des troupes nombreuses, abandonnèrent le terrain. Les Mahrattes profitèrent du désordre ; tout le butin ramassé par les pillards tomba entre leurs mains, et ceux qui avaient fait trembler la contrée commencèrent à perdre courage. L’empereur, pour récompenser la belle conduite de Molhar-Rao-Holkar, lui accorda le titre de deshmoukh ou gouverneur du district de Tchandore, ville considérable du Candeish, dont la forteresse, bâtie sur un roc escarpé, était regardée alors comme imprenable.

Djaï-Pat-Sindyah, fils de Rano-Dji, et qui avait succédé à son père en qualité de chef de la famille, accompagnait Holkar dans cette campagne. Il l’aida à chasser hors du pays les Rohillas, qui allèrent chercher un refuge dans les monts Koumaoun. Une partie du territoire reconquis lui fut alloué à titre de subside. Les contrées, les places fortes et les villes plus ou moins considérables possédées par Holkar et par Sindyah étaient éparses en diverses provinces, et ne formaient point, à vrai dire, un état compact. Cependant l’ancien berger et le

  1. 17,500,000 francs.
  2. C’est cette même ville d’où le mahârâdja Djang-Bahadour, du Nepâl, allié des Anglais, a délogé les insurgés au commencement de janvier de cette année.