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de Holkar et de Sindyah. Simples habitans des campagnes, Molhar-Rao-Holkar et Rano-Dji-Sindyah, qui les premiers rendirent ces deux noms célèbres dans l’Inde, présentent des types éclatans de cette race mahratte, énergique, belliqueuse, dévouée à ses chefs et docile à leurs inspirations, bien différente des hordes indisciplinées que la Perse et l’Afghanistan ont tant de fois lancées à travers l’Hindostan. Entre les princes de l’état mahratte, qui ne durent leur élévation qu’à leur courage, et les brahmanes du même pays, qui usurpèrent le gouvernement et régnèrent de fait sous le titre de peshwas, il y a aussi un contraste curieux à observer. On reconnaît l’influence souveraine du brahmanisme sur une population guerrière, ignorante, jalouse de son indépendance vis-à-vis des nations étrangères, mais respectueuse envers la caste qui conserve la tradition du culte national et de la science sacrée. Les Mahrattes offrent tous les traits d’un peuple hindou par excellence, en qui se reflète le génie de l’antiquité tout entière. Enfin ils apparaissent comme la dernière nation qui ait tenté de restaurer à Dehli la puissance brahmanique sur les ruines de l’empire mogol.

C’est donc une des faces de l’avènement des Mahrattes que nous voudrions étudier, non point en retraçant leur histoire, — elle a été écrite par des Anglais qui avaient pris une part plus ou moins considérable aux affaires de ce pays, — mais en racontant celle des deux familles illustres qui ont survécu aux désastres de la confédération. Il y eut un temps où la France connaissait parfaitement les noms de Holkar et de Sindyah. Les Mahrattes de nos jours ne font jamais allusion à la splendeur passée de ces deux familles sans joindre à ce souvenir déjà lointain celui des officiers de notre nation qui se distinguèrent à leur service. Il s’agit d’une époque un peu ancienne, et tant d’événemens accomplis en Europe nous l’ont fait oublier, qu’il y a peut-être utilité à la rappeler aujourd’hui. Les faits que nous essayons de retracer ici appartiennent à l’histoire, et nous n’avons d’autre prétention que de les exposer dans leur simplicité. De grandes passions, des caractères fortement trempés, des incidens dramatiques donneront sans doute assez d’intérêt à ces récits, à ces tableaux variés, qui ont pour cadre un pays prestigieux, tout retentissant d’une lutte sanglante, acharnée, dans laquelle la civilisation anglaise aux prises avec la barbarie asiatique se montre terrible dans ses colères et implacable dans ses vengeances.


I.

A la fin du XVIIe siècle vivait dans un village de la province de Candeish un cultivateur, Mahratte de race et du nom de Naraïn--