Page:Revue des Deux Mondes - 1858 - tome 16.djvu/837

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

cher les belligérans. Aux demandes des alliés l’empereur n’attachait guère qu’une condition, la garantie solennelle par la France de la pragmatique de 1713, par laquelle il avait établi la succession féminine dans ses états héréditaires. Or une telle clause, sans importance véritable pour la France, ne pouvait plus arrêter le cabinet de Versailles du moment où un grand accroissement territorial devenait le prix de sa condescendance au vœu personnel de Charles VI. L’important traité dont les préliminaires furent signés à Vienne dès le 3 octobre 1735, quoiqu’il n’ait reçu que beaucoup plus tard une sanction définitive[1], résolut, avec la question de Pologne, pour laquelle on avait couru aux armes après la mort du roi Auguste II, toutes celles qu’avait suscitées depuis trois ans la situation si troublée de l’Europe. Stanislas Leczinsky renonça à tous ses droits au trône de Pologne en conservant néanmoins le titre royal, et reçut, pour prix de cette renonciation, la possession viagère des duchés de Bar et de Lorraine, dont la souveraineté fut attribuée à la France après la mort de ce prince. La maison de Lorraine obtint en échange le grand-duché de Toscane, pendant que l’infant don Carlos, reconnu roi des Deux-Siciles, rétrocédait à l’empire le duché de Parme et de Plaisance, où dix années plus tard l’infant don Philippe, son frère, fut appelé à régner. Charles-Emmanuel de Savoie, trop faible pour résister à la volonté générale et pour ne pas ajourner ses espérances, se bornait à l’acquisition du Novarais et du Tortonais, le reste du duché de Milan demeurant aux mains de l’empereur. Enfin Charles VI, pour prix de ses nombreuses concessions à la maison de Bourbon, obtenait de la France, dans la forme la plus authentique, la garantie tant souhaitée de sa pragmatique sanction, garantie minutieusement libellée, qui emportait, dans la pensée de toute l’Europe, la reconnaissance anticipée de l’archiduchesse comme héritière de toutes les possessions de la maison d’Autriche. Afin de lier plus étroitement encore les contractans, le texte même de la pragmatique impériale du 19 avril 1713 était annexé au traité comme pour en faire partie intégrante, précaution dont le seul effet fut d’en rendre bientôt après la violation plus scandaleuse.

Fleury escamota la paix à M. de Chauvelin, comme, deux années auparavant, celui-ci lui avait escamoté la guerre. Telle est du moins l’opinion générale des contemporains, tous persuadés que le secrétaire d’état des affaires étrangères s’efforçait de prolonger une lutte qui rendait son concours plus nécessaire et son avenir politique plus assuré. On peut donc considérer le traité de 1738 comme l’œuvre

  1. 8 novembre 1738. Voyez Koch, Histoire des Traités de paix depuis la paix de Westphalie, t. II, p. 37.