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coterie plus dissolue que chevaleresque, où figurait avec une princesse de la maison de Condé ce Richelieu dont le nom se retrouve dans tous les scandales du règne, travaillait déjà avec un succès qui devait être trop éclatant à dégoûter le roi d’un bonheur monotone, et poussait à la guerre, bien moins par ambition de la gloire que par impatience de l’austérité. L’on s’ennuyait et l’on cherchait des distractions même au risque de rencontrer des aventures. Celles-ci vinrent tout à coup du côté où elles étaient le moins attendues.

Depuis plus d’un demi-siècle, la France n’avait que rarement porté ses regards vers la Pologne, abandonnée comme un champ de bataille à la Suède, à la Russie et à l’Autriche. Cependant à peine Auguste II fut-il mort en 1733, après un règne immortalisé par le scandale, qu’un cri s’éleva du sein de cette cour que Fleury croyait avoir dressée au silence et à l’oubli de toutes les préoccupations politiques. Il fallait, disaient les jeunes seigneurs à Versailles et les jeunes conseillers des enquêtes à Paris, profiter de l’occasion pour donner au père de la reine une situation moins indigne de l’alliance à laquelle sa fille avait été élevée, et l’intérêt national, d’accord avec la dignité du trône, prescrivait de reprendre dans le Nord une influence perdue. Fleury se trouvait placé en face d’un mouvement d’idées à peu près irrésistible. Il ne tenait aucunement à servir Marie Leczinska, dont l’inaltérable douceur l’avait à peine désarmé; il tenait peut-être moins encore à conquérir à Varsovie une prépondérance plus nuisible qu’utile à la solution des difficultés pendantes; il pressentait d’ailleurs fort bien qu’un grand succès en Pologne ne s’obtiendrait qu’au prix d’une guerre lointaine et périlleuse, où la France rencontrerait devant elle une formidable alliance austro-russe. Toutefois le mouvement d’opinion était si vif à la cour et à la ville, et M. de Chauvelin, le secrétaire d’état pour les affaires étrangères, y était lui-même si résolument entré, que le premier ministre dut accorder quelque chose à ce sentiment public plus fort que les pouvoirs les plus absolus. L’on convint donc d’aider par de grosses sommes à l’élection de Stanislas, en appuyant la candidature du beau-père de Louis XV par la présence d’une escorte d’honneur de quinze cents hommes d’excellentes troupes françaises transportées par mer à Dantzig.

C’était compromettre la France avec les deux grands empires limitrophes de la Pologne, sans se préparer aucun moyen sérieux de soutenir ni la guerre ni l’élection. Dans un tel plan, l’imprévoyance le disputait à l’audace. Le succès électoral de Stanislas Leczinsky n’était aucunement douteux, car l’on savait que la noblesse, heureuse d’échapper au joug de la maison de Saxe, devenu si humiliant pour elle sous le règne du dernier roi, seconderait avec empresse-