Page:Revue des Deux Mondes - 1858 - tome 16.djvu/825

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

jusqu’à attendre le concours du cabinet de Versailles pour une restauration des Stuarts, qu’au moment de l’avènement de George II son infatuation lui faisait considérer comme facile.

Quelque importance qu’attachât le cardinal de Fleury à recouvrer l’amitié de l’Espagne, il est à peine nécessaire de dire qu’il en mettait bien davantage à conserver celle de l’Angleterre. Par l’effet d’une situation que le cours des âges a peu changée, l’alliance anglaise était au XVIIIe siècle, comme elle l’est encore au nôtre, la base fondamentale du système politique dont la devise était la paix, et dont la régence avait formulé les véritables conditions. En parfaite entente avec Robert Walpole, ministre de George II, lié d’une vieille amitié avec son frère Horace, ambassadeur à Paris, le cardinal avait encore moins la volonté que le pouvoir de se séparer de l’alliance de la maison d’Hanovre pour se mettre à la suite des caprices d’un roi fantasque et d’une reine furieuse. N’ayant pu prévenir les hostilités commencées par l’Espagne contre l’Angleterre, il attendit avec confiance l’effet de déceptions qu’il savait inévitables, et qui furent promptes. Les opérations militaires contre Gibraltar étaient à peine entamées que le gouvernement espagnol comprenait en effet la témérité de son entreprise, et qu’après de grandes pertes il se trouvait conduit à convertir en blocus le siège de cette formidable forteresse. La médiation de la France fut alors aussi ardemment souhaitée qu’avait pu l’être d’abord son concours, et les préliminaires du Pardo[1] terminèrent sous sa garantie une guerre dont le ridicule n’excluait pas le péril. Le même acte conviait tous les cabinets à reprendre la solution des problèmes qui avaient été à peine posés à Cambrai, avant que le congrès de cette ville fût dissous par le renvoi de l’infante. Enfin une nouvelle négociation dut s’ouvrir, et le siège en fut fixé à Soissons, sur la demande du cardinal et pour ses convenances personnelles.

Dans ce congrès de Soissons, les agens de toutes les cours déférèrent d’une voix unanime à l’ancien précepteur de Louis XV un rôle qui fit du cardinal le médiateur respecté de l’Europe. C’est que ce vieillard, qu’on savait modéré, quoiqu’il fût tout-puissant, et qui suppléait par la droiture des intentions à l’expérience des affaires, se trouvait représenter la France à l’une de ces époques heureuses où le prestige de sa sagesse vient rehausser celui de sa force. Toutefois les conférences de Soissons constatèrent plus de dissentimens qu’elles n’amenèrent de solutions, et les soubresauts de la politique espagnole empêchèrent une fois de plus les cabinets de sortir de la situation provisoire où l’on s’agitait depuis si longtemps. Une violente réaction s’était opérée à Madrid contre l’Autriche, car

  1. 5 mars 1728.