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Avec mon cousin Pierre,
À genoux sur la pierre,
Nous disons à Dieu : « Que l’éclair
Nous épargne sa flamme!... »


s’écrie-t-il quelque part. Cette poésie, d’un lyrisme effréné, est heureusement mitigée par d’agréables badinages. Dans une pièce adressée à sa nourrice, il lui rappelle ces momens

Où j’allais sur ton sein chercher mon existence.
Que ma bouche collée y suçait ta substance,
Larcin qui faisait ton bonheur.


Nous soupçonnons fort M. Turbil d’être un loup déguisé pour prêcher les saintes ouailles. Ce dernier vers nous le montre comme un berger de Watteau, toujours prêt à dénicher des merles et à voler des baisers. Après tout, c’est encore du XVIIIe siècle.

Les Amoureuses, de M. Alphonse Daudet, sont l’œuvre d’un tout jeune homme qui s’exerce à faire de petits vers de salon, et

Qui sent ses dix-huit ans danser le rigodon.


Il suffit de dire que sa poésie se ressent beaucoup de ce sautillement. Voici venir maintenant les satiriques. Le Repas de Satan, par M. Abel Jannet (d’Angoulême), débute ainsi :

Dieu, qui sert ici-bas la tasse de la vie,
Y délaie à foison un amer répugnant.

Cette pièce, qui est un reflet ardent de la littérature lycanthrope en province, se termine par un horrible festin. Le croque-âmes prend le héros par la clavicule.

Il en fit quatre parts comme on fait d’une orange.
Adroitement. — Tiens, Mort, prends ceci, dit-il, mange :
C’est juste la moitié. — La Mort n’en voulut pas.
Satan seul se mit donc à faire ce repas.
Il le fit, gastronome à jeun, comme un creux ventre.
Qui, chez Véfour fourni, la première fois entre.

Dans ses Stations poétiques, M. Sébastien Rhéal de Césena se plaint que les hétaïres au bal n’aient plus l’amour du beau ni du national. Quant à lui, il se contentera d’un pudique amour jusqu’au moment qui verra

…… cimenter le glorieux festin
Qui doit régénérer le vieux monde en déclin.

« Lors de sa présentation à l’hôtel de Rambouillet, en 1628, il avait un habit de satin colombin, doublé de panne verte et passementé de petits passemens colombins et verts, à œil de perdrix. Il avait toujours les plus ridicules bottes du monde et les plus ridicules bas de bottes. » Telle est la plaisante manière dont Tallemant des Réaux parle du fameux auteur de la Pucelle. Plus heureux que Chapelain, M. Guillemin a fait imprimer les vingt-quatre chants tout entiers de son poème épique. Nous ne pouvons qu’admirer un pareil courage. Quelle foi robuste ne faut-il pas posséder pour composer une pareille œuvre, et surtout pour la relire! Nous pourrions peut-être trouver des choses amusantes dans cette épopée; mais à quoi bon?

Attaquer Chapelain! Ah! c’est un si bon homme!