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s’écri- pas, elles se font à la pratique, au cœur des choses, sous l’influence du temps, par l’action libre des hommes. Aussi nous soumettrions-nous sans peine même à la constitution de Sieyès, si l’on nous donnait en même temps la liberté, car la liberté, qui est dans l’ordre moral aussi puissante et bienfaisante que l’est la nature dans l’ordre matériel, aurait bientôt redressé les absurdes difformités façonnées par un chimérique législateur.

Nous savons gré au prince Napoléon d’avoir inauguré son ministère de l’Algérie par la manifestation de tendances que peuvent avouer les opinions libérales. Nous faisons des vœux sincères pour qu’il puisse, dans la partie du gouvernement qui lui est confiée, prêter un efficace concours à ce libre jeu des forces individuelles qu’il a invoqué en si bons termes dans son discours de Limoges. Le temps nous semble en effet venu où les aspirations libérales doivent être quelque chose de plus qu’une décoration oratoire, et doivent produire des actes. Le ministère de l’Algérie vient de traverser une première épreuve; nous voulons parler de l’organisation de ce département. C’était un travail bien délicat de constituer le ministère de l’Algérie et des colonies en le détachant par fragmens des ministères de la guerre et de la marine. Il fallait faire entre le nouveau ministère et les deux autres un partage peu facile d’attributions. C’est ce partage qui est établi dans un décret que publie le Moniteur à la suite d’un rapport du prince Napoléon. L’écueil d’une pareille œuvre, c’était le danger de briser notre unité administrative, dont il faudrait se garder de confondre l’excellente et régulière simplicité avec les abus de la centralisation. Il était peut-être plus aisé d’éviter cet écueil dans le partage du ministère des colonies. Nos colonies n’ont malheureusement pas assez d’importance pour qu’une légère confusion d’attributions sur certains points présente dans la pratique des inconvéniens graves. Une des questions où il était par exemple impossible de séparer absolument les attributions était celle des gouvernemens mixtes. Trois de nos gouverneurs coloniaux sont en même temps chefs de stations navales. Comme gouverneurs, ils dépendent du ministre des colonies; comme chefs de station, ils sont soumis au ministre de la marine. Qui les nommera donc? On a délié le nœud en subordonnant leur désignation au rapport concerté des deux ministres. Relativement à l’Algérie, les questions sont bien plus importantes, et voulaient des solutions tranchées. L’Algérie en effet, c’est moins encore une colonie qu’une armée, et surtout une armée active. Qui sera le vrai chef de cette armée? Est-ce le ministre de la guerre ou le ministre de l’Algérie? Le décret nous paraît décider que ce sera celui-ci. Le ministre de la guerre ne conserve, à peu de chose près, que les attributions de l’administration militaire. C’est le ministère de l’Algérie qui propose la nomination du gouverneur-général. Les projets relatifs aux opérations militaires lui sont d’abord soumis; c’est lui qui en apprécie l’opportunité, et il ne se concerte avec le département de la guerre qu’au sujet de la force et de la composition des colonnes. Les propositions d’avancement en faveur du personnel de l’armée d’Afrique peuvent avoir lieu soit à la suite des inspections générales, soit pour services extraordinaires. Dans le premier cas, le département de l’Algérie recevra en duplicata le rapport général et définitif; dans le second cas, le plus important sans contredit, les propositions sont transmises au ministère de l’Algérie, qui les fait parvenir avec son