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vis-à-- de l’état. Nous avons déjà entretenu nos lecteurs de cette grande mesure. La pensée de rasseoir l’industrie des chemins de fer, qui depuis un an était ébranlée dans l’opinion, fait grand honneur à M. Le ministre des travaux publics, qui passe à bon droit pour un des hommes les plus intelligens et les plus habiles du gouvernement actuel. Nous lui avons rendu dès le premier jour cette justice; aussi espérons-nous qu’il ne verra aucune intention malveillante dans les observations suivantes. On sait de quoi il s’agissait. Le gouvernement n’a pas cru que la France financière et industrielle fût de force à supporter, en matière de construction de chemins de fer, le régime de la libre concurrence. Une dépense de capitaux exagérée, imprévoyante et ruineuse pour les capitalistes, tels sont à cet égard, l’exemple cruel des chemins de fer anglais est là pour le démontrer, les effets de la libre concurrence. Le gouvernement a donc sagement fait de distribuer entre six grandes compagnies, presque toutes florissantes, le réseau français; mais le péril de la concurrence des entreprises écarté, il restait à pourvoir à un intérêt public de premier ordre, à un intérêt auquel l’état ne peut rester insensible, à la construction de lignes et d’embranchemens considérables dont l’exploitation ne paraît pas devoir être très lucrative, ou devra détourner une partie du trafic au détriment des lignes déjà construites. Le gouvernement avait cru l’année dernière pouvoir imposer aux compagnies existantes la construction de ces lignes complémentaires en échange de l’immunité qu’il leur assurait contre la rivalité d’autres entreprises. On ne croyait pas alors, dans certaines régions, pouvoir trop présumer de la prospérité des affaires de chemins de fer; il faut, disait-on hautement, dégraisser les grandes compagnies. L’événement n’a malheureusement pas tardé à démontrer l’injustice et la maladresse de ce sentiment. La crise de cette année, qui avait été précédée d’une crise des chemins de fer, a prouvé de reste que l’état doit pratiquer cette maxime si vraie pour les individus; c’est qu’il n’y a de bon marché que celui qui est bon pour les deux parties contractantes. Les doléances des compagnies de chemin de fer furent portées à l’empereur, il y a plusieurs mois, par les représentans des compagnies. L’empereur les prit en considération, et un avis du Moniteur annonça que la situation des compagnies allait être étudiée par le ministre des travaux publics, lequel serait chargé de la réalisation des intentions bienveillantes de l’empereur envers l’industrie des chemins de fer. Plusieurs semaines s’écoulèrent, et enfin le ministre et les représentans des grandes compagnies parurent s’être mis d’accord sur une solution satisfaisante. Cette solution était à la fois équitable et pratique : elle résidait dans ce principe, que l’état, imposant aux compagnies, dans un intérêt public, la construction de certaines lignes d’une valeur commerciale contestable et contestée, au lieu de rejeter sur les compagnies tout le fardeau d’un avenir incertain, prendrait à son compte une portion des mauvaises chances de cet avenir. Il fut convenu, pour mettre ce principe en application, que l’on conserverait aux capitaux engagés dans l’ancien réseau les avantages qu’ils s’étaient acquis par leur courage et leur industrie, et que l’état offrirait une garantie d’intérêt aux capitaux dont le concours est nécessaire pour l’achèvement du nouveau réseau. A l’heure qu’il est, les conventions qui ont appliqué cette solution sont signées pour la plupart; l’industrie des chemins de fer sera mise ainsi non-seulement à